Psycho Tropical Berlin (Bonus Track Version)

Chronique

Dès l’introït, « Antitaxi », façon surf music avec paroles cryptiques (« Prends le bus, antitaxi », c’est là tout le texte de la chanson !), le ton est donné. La Femme, combo fièrement indépendant tombé dans les rets de la major majuscule va faire ce qu’on attend de lui, enfin, d’elle. Un premier album semblable à ces confiseries qui pétillent dans la bouche en laissant un goût sucré chimique. Réjouissant, instantané, mais fugace. Surf, donc, mais également tropical, new wave rétro, psychédélique à l’occasion (« It’s Time to Wake Up (2023) », comme échappé des tentatives planantes candides post-yéyé 1966), néo-pop, tout ce qu’on voudra, en vitrine exemplaire de cette génération qui s’est façonné une culture à travers internet et a arrêté le curseur sur « early 80's », louchant sur les sixties.

Évidemment plus rigolo qu’un Lescop, La Femme rappelle les fugaces rennais de Billy Ze Kick au tube hallucinogène bricolo qui chantait les vertus des champignons bizarres et fit reprendre « mangez-moi, mangez-moi » dans les campings. « Amour dans le Motu » est de cette veine provinciale estudiantine déjantée. « Nous étions deux », avec ses cavalcades d’orgues et son beat de boîte à rythme participe aussi d’une atmosphère rétro-futuriste qui, en fin de son parcours de six minutes, vire vers une electro déviante du meilleur effet. Les deux EP autarciques de La Femme sont de cérémonie, dont les chansons familières sont livrées en versions remises au goût de 2013, même si pourtant récentes.

Il en résulte une livraison de quinze titres versatiles et acidulés en forme de vignettes pré-collées pour décorer les cahiers de textes. Dans un effort louable (ou une erreur de mix) pour se différencier de la néo-pop actuelle, la voix de la chanteuse n’est pas poussée vers l’avant, c’est net sur « La Femme », où même en tendant l’oreille on peine à saisir le discours. L’hymne « Sur la planche » est revisité en disco sur velu avec beat monstrueux et accéléré de grosse caisse et licks de guitares garage, de quoi décoiffer certains fans qui crieront au dévoiement alors qu’il s’agit plutôt d’un pied de nez.

Car pour faire mentir les aficionados qui hurlaient au retournement de veste quand La Femme a signé chez Barclay, le groupe de Biarritz (ou presque) a maintenu le cap d’une musique hétéroclite et certainement pas formatée. Et il a su garder cette candeur, bancale mais charmante, des Jacno, Artefact, Tokow Boys, Taxi Girl (« Si un jour », flagrant pour les synthétiseurs qui tournent, avec un texte à la Edith Nylon en prime) et consorts, ces groupes qui s’amusaient à pervertir le rock et la pop avec leurs synthétiseurs monophoniques et leur morgue frondeuse.

Globalement attachant, même s’il s’autorise quelques brefs moments moins aguichants, ce premier album de La Femme (et sa belle pochette, distribuée en vinyle par Born Bad Records) est un courant d’air frais qui devrait dynamiser la scène émergeante du rock français décomplexé.

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