Parabolér (Alain Péters)

Chronique

Depuis sa mort en 1995, Alain Peters est devenu un symbole de liberté et de poésie authentique, comme une sorte de Rimbaud réunionnais du XXe siècle. Le troubadour créole tourmenté a vécu volontairement en marge de la société, sans plan de carrière, guidé par une quête d’absolu, illuminé par l’urgence de sa poésie, mais trop souvent noyé dans les excès et les ivresses. Membre fugace de formations pop-rock, chanteur officiant plus souvent dans la rue que sur scène, Alain Peters a laissé peu de traces de son génie. Vavanguer (2008) est une version remasterisée et augmentée de deux titres (Romance pou in zézère et La Rosée sur feuille songe) de la compilation Parabolér qui fit redécouvrir Alain Peters en 1998. On y trouve l’essentiel d’une production souvent patiemment arrachée au néant par ses amis, le musicien Loy Ehrlich ou l’enseignant Jean-Marie Pirot.

Cette anthologie regroupe quatre maquettes de 1987 jamais éditées de son vivant, l’intégralité de son unique album Mangé pou le cœur), une face B inédite de la même époque, le 45 tours Issa de 1979, un morceau du groupe Caméléons, et des extraits d’une cassette enregistrée en 1978 autour des textes de Jean Albany, mis en musique par ses soins en compagnie du percussionniste Bernard Brancard et de René Lacaille au saxophone. Ces œuvres forment une source à laquelle sont venus boire des artistes aussi divers que Moriarty, Malavoi, Bernard Lavilliers ou Piers Faccini et qui sert de repère à la jeune génération des musiciens réunionnais. Composées pour la plupart sur le luth takamba, nom créole du n’goni d’Afrique de l’Ouest dont Peters ne se séparait pas, ses chansons empruntent au maloya et au séga de son île comme elle s’inspirent des démarches exigeantes d’un Brel ou d’un Dylan. Mais elles reflètent surtout la profondeur de son imaginaire et la lumière de ses rêves et rendent compte de la sincérité totale de son interprétation. © Benjamin MiNiMuM/Qobuz