L'ultime concert (Live 3 juillet 1990)

Chronique

La célébration est triste, mais nécessaire : il y a vingt ans disparaissait le maître du tango moderne, et vraisemblablement le musicien argentin le plus important de la seconde moitié du XXème siècle. Ainsi, en quelques semaines, Astor Piazzolla fréquenta trois des villes les plus chères à son cœur : Athènes où se déroula cet ultime concert le 3 juillet 1990, Paris où il fut un mois plus tard victime d’une thrombose cérébrale, et Buenos-Aires, où il disparut, sans avoir recouvré l’entièreté de ses facultés, le 4 juillet 1992.

Bien qu’il ait la plus grande partie de sa carrière privilégié l’orchestration traditionnelle du tango (un septuor rassemblant bandonéon, piano, et quintet à cordes), c’est en compagnie d’une formation symphonique qu’il offrit sa dernière prestation publique, validant l’avis des experts selon lequel le musicien, après le Tango Nuevo, souhaitait développer l’esthétique du Bandoneon Sinfonico : une évolution que la mort ne lui permit pas de mener à bien. En tout état de cause, l’Orchestre Athénien des Couleurs est, lors de cette soirée exceptionnelle, placé sous la direction de Manos Hadjidákis, immense musicien hellène alter-ego de Mikis Theodorákis, détenteur d’un Oscar pour la chanson du film de Jules Dassin Jamais le dimanche, et qui ne survécut que quatre ans à Piazzolla.

Le programme nous propose ainsi trois tangos pour bandonéon et orchestre, le fameux « Adiós Nonino » (ici bissé) pour bandonéon, piano, harpe et percussions, et le célébrissime « Concerto pour bandonéon et orchestre », qui célébrait alors les nouvelles amours du maestro pour la chose symphonique, et qui offre en quelque sorte ici une concrétisation harmonique et rythmique de la profonde amitié qui réunissait Piazzolla et Hadjidákis. Pour nous autres auditeurs, reste l’émotion.



Entre un concert-hommage de l’Orchestre National de jazz, la réédition du CD/DVD Piazzolla Forever de Richard Galliano – et la tournée du même qui va suivre – et cette édition historique, Astor Piazzolla, plus vivant que jamais, rappelle la parfaite contemporanéité de son art, et la curiosité salutaire dont il fit preuve tout au long de son existence, bousculant les préjugés, et se méfiant au plus haut point de toutes orthodoxies : le bandonéon était sa bannière, l’Argentine sa religion...

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