Jerry Lee Lewis

Chronique

Il semble difficile de chroniquer l’histoire. On peu évoquer le souvenir d’émois adolescents, la déflagration chronologique, la vie qui coule plus aisément bercée par des musiques sauvages, mais chroniquer l’histoire, on ne peut pas.

La défense plaidera que la petite gouape qui enregistre à l’âge de vingt-deux ans cet album terriblement mal fichu, et terriblement talentueux, n’en a rien à faire, de l’histoire. Il se contente de jouer du piano plus vite que son ombre, et de chanter tout ce qui a construit sa culture, et nourri ses émotions. Alors s’enchaînent les emprunts disparates : « Goodnight Irene » (composé par le Noir Leadbelly, interprété par un Blanc qui fraye avec les Noirs, pour des Blancs qui ne savent même pas que le Noir existe), « Don’t Be Cruel » (même si cela ne se fait pas d’aller chatouiller le roi Presley sur son trône), ou « When The Saints Go Marchin’ In » (car la chanson parle de Dieu, et que personne n’ira prétendre que Louis Armstrong n’était pas un immense chanteur).

Pour faire bonne mesure, on adjoint les premiers quarante-cinq tours du Killer, un « Crazy Arms » sympathique mais un peu scolaire, le « High School Confidential » qui rappelle que, si Lewis ne connaissait pas grand-chose aux études, il s’y entendait en matière d’écolières, et « Whole Lotta Shakin’ Going On » (rattrapé in extremis par la réédition du disque en format CD), comme un prémisse de légende. Le Sudiste, chez lui comme dans de confortables pataugas, chante le tout avec la fièvre communicative d’un gamin amoureux, et tous les refrains sont illuminés de la main droite la plus véloce de ce côté-ci du Mississippi.

Est-ce une éruption, un cataclysme, une explosion ? Non, on appelle cela tout simplement le rock and roll. « High School Confidential » se classera en vingt et unième position des charts de musique pop, mais en cinquième place des chansons de musique…noire. C’est bon de rire, parfois.

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