In the End

Chronique

Il est difficile d’imaginer par quels tourments ont dû passer les frères Hogan et Fergal Lawler, les musiciens orphelins de leur guide, Dolores O’Riordan, pour aboutir à ce dernier hommage qu’est In the End. Au moment du décès brutal de la charismatique chanteuse, disparue en janvier 2018, seules les pistes vocales avaient été « immortalisées ». Le choix s’offrait donc aux musiciens : sceller la fin de l’aventure prématurément ou achever cette œuvre en mémoire de Dolores, au prix de nouvelles sessions d’enregistrement émotionnellement très éprouvantes et au risque d’être taxés injustement d’opportunistes. Avec l’assentiment de la famille de la défunte, ils ont choisi cette deuxième voie et force est de reconnaître que le groupe n’aurait pu rendre hommage plus sincère. Sans verser dans le pathos, mais en célébrant le souvenir d’un groupe familial, sincère, à fleur de peau, dont l’intégrité artistique n’a jamais souffert du moindre faux-pas. Et puis, quoi qu’en pense les détracteurs, cette aventure de 30 ans, c’est aussi la leur.

Avant de goûter à ces nouveaux titres, on s’attarde sur la pochette façon madeleine de Proust avec ces enfants au milieu d’une décharge campant les musiciens, soulignant l’idée d’un groupe familial bâti très tôt sur des rêves innocents, parfois dépassé par un monde impitoyable, en ruines, mais qui ne saurait effacer le sourire de leurs visages. Ce même plaisir d’être ensemble, cette cohésion de groupe, irrigue tous les titres, qui, pour certains s’installent déjà dans les esprits comme des classiques. C’est le cas de « All Over Now », un titre riche, subtil, au riff entêtant ou de « Lost », sur laquelle la voix de Dolorès O’Riordan apparaît presque fantomatique, insaisissable, avant de réapparaître en majesté, puissante et éclatante comme au premier jour. Versatile, elle se met parfois en retrait comme sur « Got It », où elle laisse la priorité à la section rythmique tout juste ornée par quelques notes de guitare délicates. Plus légère, « I Know » offre une charmante parenthèse pastorale avec sa mélodie acoustique surmontée de quelques zébrures au bottleneck. Si d’autres titres peinent davantage à convaincre, ce n’est que par une réminiscence inconsciente, comme « Wake Me When It’s Over », qui rappelle furieusement par sa ligne de basse « Zombie ». Mais c’est bien là tout ce que les musiciens sacrifient à la nostalgie tant In the End sonne vivant et intense, et prolonge la magie pour un temps, suspendu.

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