Glitter And Doom (Live) (Deluxe Edition Remastered)

Chronique

Les vieux fûts supportent décidément bien les voyages, tel Tom Waits (la soixantaine déjà sonnée), qui s’est offert en l’été 2008 un périple – généralement à guichets fermés - sur les scènes américaines (particulièrement les états du Sud), et européennes. Cette tournée fut marquée par un contrôle à la limite de l’hystérie des publics (les ventes de billets étant limitées à deux par personne, et simplement validées par la production d’une pièce d’identité), ce qui permet de conclure que les meilleures intentions (éviter les dérapages du marché noir) conduit parfois au dirigisme le plus absurde.

Musicalement, Glitter and Doom Live constitue donc le souvenir de ces multiples rencontres (et une consolation pour les pays oubliés), en deux volets qui traduisent parfaitement l’originalité rédhibitoire du personnage, ici accompagné d’un sextet essentiellement acoustique (outre la section rythmique, nous sommes gratifiés des illuminations d’Omar Torrez aux guitare et banjo, et par les claviers de Patrick Warren).

Le premier tome de l’album offre en effet dix-sept pièces captées face aux audiences de Paris, Dublin, ou Tulsa. Le pur bonheur de ces éructations pratiquement ininterrompues, reste qu’elles permettent de retrouver Waits au sommet de sa forme, incarnant tour à tour un mari exhortant sa veuve depuis la tombe, un taulard à l’instant du châtiment suprême, ou rappelant avec un brin de malice les joies simples de la danse. C’est peu de dire que le chanteur entraîne tout son petit monde (musiciens et public) dans la paume de la main, bateleur hypnotique, conteur de confidences, et romantique assumé.

Ils sont minoritaires dans notre vallée de larmes à pouvoir enchaîner ainsi les tressautements de « Get Behind the Mule » (ou Screamin’ Jay Hawkins croise enfin Tex Avery), la très millésimée atmosphère after hours de « Dirt in the Ground », ou une mélancolie qui ne déparerait pas l’après-midi blafarde d’un pub irlandais (« Fannin Street »). Ils sont encore moins nombreux à raffoler avec autant d’authenticité des climats néo-impressionnistes générés par la fumée des tavernes bavaroises, et en capacité de débouler dans « Such a Scream » comme un véritable fou furieux du funk (bien soutenu, il est vrai, par le saxophone hurleur de Vincent Henry).

Le second volet de l’opus (intitulé Tom Tales) déroule une grosse quarantaine de minutes de monologues (l’artiste est coutumier du fait en concert), où notre bonhomme se fait plaisir en abordant des sujets aussi divers et palpitants que les éléphants de mer (mâles), ou les araignées romantiques. Autant dire que le public non anglophone n’adhèrera que très moyennement à cette partie de l’œuvre, oublieux de deux éléments primordiaux : Tom Waits est partout, dans ces climats uniques et ses interprétations absolues, ces voyages dans les époques, et les genres, ces excitations, et ses excès. En outre, rappelons qu’un disque inutilisé peut être avantageusement recyclé. En sous-bock, par exemple.  



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