Bloodsports

Chronique

Dans la première moitié des années 1990, Suede a bien failli rentrer dans la légende : celle des groupes de pop anglaise qui comptent et compteront ad vitam. Il n’en aurait en effet pas fallu beaucoup plus pour que le groupe de Brett Anderson puisse tutoyer les sommets de la britpop, à l’instar de Blur ou d’Oasis. Seulement voilà, après un premier album homonyme superbe (1993) puis un deuxième opus amorçant par bribes la dégénérescence du groupe (Dog Man Star en 1994), Suede est assez rapidement tombé dans les oubliettes au fil des années 1990, puis a sorti un dernier album dispensable en 2002, contre vents et marées.

Qu’en est-il de cette nouvelle mouture, onze ans plus tard ? D’entrée, « Barriers » convoque le rock grandiloquent, presque taillé pour les stades, de Suede. On n’est pas tellement loin de U2 sur ce titre, tant dans la démarche mélodique que dans la voix puissante et lointaine de Brett Anderson. Convainquant mais pas transcendant. Cette propension au « stadium rock » est confirmée avec « Snowblind », qui fait monter d’un cran la tension mélodique du Suede cru 2013. Mais il faut attendre le troisième titre, « It Starts and Ends With You », pour saisir les effluves des Suede que l’on a connu au début des années 1990 : incisifs, soucieux des harmonies vocales et savants artisans de riffs ravageurs.

On tient d’ailleurs là sans doute le meilleur titre de ce Bloodsports qui ne décolle que trop rarement par la suite. Certes, « Sabotage » ou encore « For the Strangers » recèlent de beaux moments, entre finesse pop, dandysme chatoyant et rugosité rock, mais la tonalité générale de Bloodsports ne parvient pas réellement à convaincre. L’ennui pointe régulièrement le bout de son nez au fil des plages, pour finalement vous happer et avoir raison de votre patience.

Au final, ce très attendu sixième album de Suede pourrait à lui seul expliquer l’absence du groupe durant plus de dix ans : l’inspiration devait vraisemblablement manquer. Et forcer le destin n’est pas une très bonne idée, en matière de musique en tous cas. Loin d’être un ratage total, Bloodsports ne rentrera pas dans les annales.

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