Vanilla Fudge

Chronique

Seul lien américain connu entre psychédélisme et heavy metal (en tout cas à ce niveau d’expertise instrumentale), les Vanilla Fudge (un nom choisi d’après un parfum de crème glacée), qui enregistre en 1967 ce premier album, sont un super groupe qui s’ignore : le très technique Carmine Appice a été appelé derrière les fûts, et il ne rêve pas encore de rejoindre le guitariste britannique Jeff Beck en compagnie du bassiste Tim Bogert (le rock s’est toujours nourri de mariages consanguins), et le guitariste Vince Martell tente en permanence de se frayer un chemin sonore dans ce mur rythmique. Quant à l’organiste Mark Stein, il reste, avec son Hammond profond comme les abysses, incontestable responsable de la couleur inédite du groupe.

Enregistré après qu’une version du « You Keep Me Hangin’ On » (emprunté au groupe The Supremes) ait favorablement impressionné leur label, ce disque éponyme est alimenté d’une assez curieuse collection de standards, comme si les jeunes musiciens, pour la première fois ensemble en studio, n’avaient pas osé sauté le pas des compositions personnelles.

Se succèdent ainsi deux chansons des Beatles (« Ticket To Ride » et « Eleanor Rigby »), une reprise casse-cou du « People Get Ready » de Curtis Mayfield, et le « She’s Not There » de The Zombies. La concession ultime au marché du disque s’opérant par une visite sur la pointe des pieds au « Bang Bang » de Sonny Bono (adapté en français sous le même titre par Sheila).

Ce dernier refrain excepté, la sélection démontre qu’au moins les Américains ont du goût, sinon le sens du risque. Et toutes les mélodies se retrouvent embarquées dans de longues séquences d’improvisations collectives, et psychédéliques, où, tour à tour, chaque membre du groupe a capacité de démontrer ses capacités techniques (l’orgue, déjà mentionné, et la batterie – en particulier dans « You Keep Me… » se taillant la part la plus conséquente).

Il serait hâtif d’affirmer que la musique a subi sans dommages des ans l’irréparable outrage, mais le projet de cette première session conserve néanmoins, et à maintes reprises, la force de sa conviction, et la conviction de sa force. Produit par Shadow Morton (l’homme qui fit le groupe féminin The Shangri-Las), qui a du bien s’amuser à laisser entendre en fin de première face (de l’édition originale) des hautes fréquences comme s’il en pleuvait, Vanilla Fudge parviendra en sixième position des classements américains de pop music, ce qui constitue également une assez bonne approximation de ce qu’était alors l’air du temps.



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