OCEANO NOX

Chronique

Que peut-on faire avec ce qui est brisé ? Comment réparer l’irréparable ? C’est à ces questions que tente de répondre Clara Ysé dans son premier album, un an après la sortie d’un EP qui avait fait parler de lui. La matrice de l’œuvre de Clara Ysé est une tragédie : en 2017, sa mère, la philosophe Anne Dufourmantelle, meurt noyée en portant secours au fils d’une de ses amies. Si, dans le tiroir cathartique de la chanteuse, on trouve l’amour et le désir, il faut également rajouter le langage. Les textes de l’album nous rappellent en effet le pouvoir des mots : plus on les psalmodie, plus ce qu’ils représentent devient réel. Les mots ont le pouvoir de transformer les choses, surtout lorsqu’ils sont répétés par l’effet magique d’un refrain. La langue était l’outil de travail d’Anne Dufourmantelle, et c’est en transmettant cet outil à sa fille que cette dernière a pu finalement faire son deuil. Dans Le Monde s’est dédoublé, Clara Ysé évoque le drame sans se complaire dans le désespoir ("Il y a toujours le ciel bleu azur, qui, lui, vient toujours en ami, te rappeler tout bas, que la joie est toujours à deux pas"). Et dans L’Etoile, elle affirme que les êtres qui nous quittent continue à nous guider et à illuminer nos vies. L’espoir et la fureur de vivre sont donc omniprésents dans ces chansons qui parlent pourtant de la disparition des êtres qui nous sont chers. C’est là toute la force de l’univers de Clara Ysé, dans lequel des piano voix sensibles côtoient de folles musiques à la couleur latine et électro. Co-réalisé avec Ambroise Willaume alias Sage (Clara Luciani) et mixé par Renaud Letang, OCEANO NOX est un disque à la fois vulnérable et puissant. © Nicolas Magenham/Qobuz