Gigi

Chronique

Gigi, de son vrai nom Ejigayehu Shibabaw, est la chanteuse éthiopienne la plus populaire dans son pays et de ce fait probablement aussi dans le monde. Après des décennies d'ascendance de l'éthio-jazz comme genre populaire par excellence, on vit dans les années 1990, l'éclosion d'une pop éthiopienne plus hybride et décomplexée. Cet album éponyme paru en 2001, le premier véritable album de Gigi après deux albums plus confidentiels, ne rompt pas avec les racines de l'éthio-jazz ; il lui ajoute une strate « fusion » par l'entremise de musiciens tels que Herbie Hancock, Wayne Shorter, Pharoah Sanders qui ont tous participé à la production sous la houlette du producteur et arrangeur Bill Laswell. Et l'instrumentation, autant que les arrangements, et la production sont tous absolument irréprochables, d'un raffinement rarement atteint, donnant à l'éthio-jazz une humble cure de jouvence, dans laquelle le rôle des résonances pop se limite à celui d'un serviteur dévoué, ayant toujours l'excentricité du bon goût et de la discrétion. Mais, c'est surtout la voix de Gigi qui est phénoménale. Chantant en amharique (la langue majoritaire en Éthiopie) elle lui donne une ampleur, une sensualité, et un charme, qui en font une sérieuse prétendante au statut de plus belle langue du monde. Les vocalises de Gigi (écouter Mengedegna, notamment),et la beauté de son timbre, valent à elles seules l'écoute de cet album. L'un des plus beaux, et des plus indispensables, tous genres confondus, des années 2000.

© René Obe/Qobuz