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Betty Davis

« Elle a eu une grosse influence sur ma vie personnelle et sur ma vie musicale… Si elle chantait aujourd'hui, elle serait quelque chose comme Madonna, ou Prince. Elle était l’origine de tout ça quand elle chantait en tant que Betty Davis. » Dans son autobiographie publiée en 1989, Miles Davis cerne, en quelques mots seulement, l’aura comme le potentiel de cette Betty Davis. Le trompettiste était plutôt bien placé pour en parler puisque, entre 1968 et 1969, il fut le mari de celle que beaucoup considèrent comme la pionnière des panthères funk. Une idylle certes éclair mais qui marquera le plus célèbre des jazzmen… Toujours de ce monde mais retirée de la vie publique, Betty Davis demeure celle qui a transmis à Miles les sons et les codes de toute une génération. C’est elle qui lui passe dans les oreilles le funk coloré de Sly  & The Family Stone et le rock psychédélique de Jimi Hendrix ! C’est elle encore qui transforme sa garde-robe, troquant ses costards contre des pattes d’eph et des chemises flashy. Un tout autre monde s’ouvre alors au trompettiste quadragénaire soucieux de coller aux goûts du jeune public et qui s’entend sur ses albums Filles de Kilimanjaro (1969), In a Silent Way (1969) et surtout Bitches Brew (1970). Mais qui est cette muse mystérieuse dont le visage orne justement la pochette de Filles de Kilimanjaro, qui se conclut par le thème Mademoiselle Mabry (Miss Mabry) ?


Betty Davis fut une comète. Personne ne l’attrapera durant sa dizaine d’années d’activité. Pas même Miles… Née Betty Mabry en 1945 à Durham en Caroline du Nord et ayant grandi près de l’industrielle Pittsburgh, elle est dotée d’une forte personnalité et totalement indépendante. Dans une Amérique où il ne fait pas bon d’être noire ET femme, elle jouera des coudes, laissera entrevoir le sommet de sa coupe afro et marquera les esprits avant de disparaître. Trop en avance sur son temps, sans doute… Sa première passion ? Le blues. C’est dans cette musique vraie, crue, engagée et directe qu’il faut chercher l’ADN de Betty Davis. Elle dévore les 33 tours que chérissent sa mère et sa grand-mère. Des disques de Jimmy Reed, Elmore James, John Lee Hooker, Muddy Waters, Big Mama Thornton, Koko Taylor et autres B.B. King qui lui donnent envie de composer. Elle n’a que 16 ans lorsqu’elle part s’installer chez sa tante à New York pour étudier la mode au Fashion Institute of Technology. Ce Manhattan du début des 60's est celui de la scène folk de Greenwhich Village en pleine ébullition. Celui des Dylan et des sous-Dylan, des Kerouac et des sous-Kerouac. Le folk, un genre qui, comme le blues, ne ment pas. Betty passe ses soirées et ses nuits dans ces clubs blindés d’artistes, de musiciens, de poseurs et de beautiful people. Elle fait partie d’un groupe de jeunes autres beautés d’ébène qui s’est baptisé les Cosmic Ladies et arpente les fiestas et tous les lieux where the action is. Elle croise Hendrix, Sly Stone, Lou Courtney et quelques autres stars du moment, tous hypnotisés par son charisme comme par son comportement atypique pour l’époque : pas d’alcool, pas de drogue !


Dans la journée, Betty Davis est l’une des rares mannequins black de la Wilhelmina Agency à enchaîner les séances photo pour des magazines comme Ebony ou Glamour. Le soir, elle mixe dans l’un de ces lieux hype, le Cellar. Un club qui donne le titre à son premier single, The Cellar, qu’elle publie vers 18 ans. Betty écrit aussi pour les autres. En 1967, son Uptown (to Harlem) se retrouve ainsi sur le premier album des Chambers Brothers, The Time Has Come. Durant cette même année 1967, elle rencontre ce jazzman qui la fascine, de vingt ans son aîné. Les avis divergent quant aux raisons de l’échec de leur relation. La jalousie de Miles Davis qui supporte peu de voir sa femme fréquenter des musiciens comme Hugh Masekela ou même ce Jimi Hendrix qu’elle lui a d’ailleurs présenté et avec lequel elle jurera n’avoir jamais couché. Il y eut la violence physique du trompettiste. Sans oublier la quête croissante d’indépendance de la jeune femme… En octobre 1968 puis en mai 1969, Betty mettra en boîte deux sessions pour Columbia, le label de Miles. La première se déroule à Los Angeles et réunit quelques pointures parmi lesquelles Masekela, Joe Sample et Wayne Henderson. Pour la seconde, à New York cette fois, elle est entourée de géants du jazz comme Herbie Hancock, Wayne Shorter et John McLaughlin, ainsi que des complices d’Hendrix, Mitch Mitchell et Billy Cox. Derrière la console pour produire, Miles est présent, épaulé par son producteur attitré, Teo Macero. Betty chante ses propres compositions et reprend également Politician Man de Cream et Born on the Bayou de Creedence Clearwater Revival. Des démos qui resteront des années dans les archives de Columbia, peu motivé pour les publier. A moins que Miles lui-même, craignant l’ombre qu’aurait pu lui faire sa charismatique compagne, n’ait poussé son label à volontairement les oublier…


Le crash final de ce mariage express ne traumatise guère Betty Davis. Il sonne surtout le début de sa vraie carrière musicale. Il y eut d’abord quelques mois passés à Londres où elle croisera notamment la route d’Eric Clapton et Marc Bolan de T-Rex. Puis diverses piges. Elle écrit pour les Commodores de Lionel Richie des chansons qui leur permettront de décrocher un contrat chez Motown. Elle quitte New York pour San Francisco qu’elle trouve bien plus cool et rencontre Michael Lang, l’un des organisateurs du festival de Woodstock, qui la signe sur son label Just Sunshine Records et lui laisse la liberté artistique dont elle rêve depuis toujours. En trois ans, elle enquillera trois albums : Betty Davis (1973) et They Say I'm Different (1974) chez Just Sunshine Records, et Nasty Gal (1975) chez Island Records. Contrairement à ses consœurs et à certaines de ses héritières, Betty Davis est une artiste totale ! Elle compose et arrange TOUTES ses chansons. Le son comme la production la fascine. Surtout, elle ne sera jamais une voix. Une grande voix du moins. Consciente de ses limites, elle ne cherche pas à rivaliser avec des intouchables comme Aretha Franklin ou Tina Turner. Elle chante avec la rudesse d’un vieux bluesman. Sa gorge racle, agresse et griffe. Elle est là pour mordre, quitte à faire mal, pas pour caresser les oreilles dans le sens du poil. Et pour dire, crier, scander et choquer. Ses textes parlent de sexe, de racisme, de politique, d’inégalité. Aucune love songs à l’horizon !


Pour mettre en musique ses brûlots, Betty Davis s’entoure de la crème des musiciens funk et rock comme le bassiste Larry Graham et le batteur Greg Errico, tous deux membres de la Family de Sly Stone, mais aussi des Pointer Sisters, des percussionnistes et du guitariste de Santana, Pete Escovedo, Michael Carabello et Neal Schon. Toujours soucieuse de bien contrôler son art, elle produira elle-même They Say I'm Different et Nasty Gal. Platform boots, bas résille et maquillage outrancier, Betty prend d’assaut les scènes pour y porter ses violents hymnes funk rock. La sauce ne prend malheureusement pas. Les ventes de ses albums restent minces et la critique ne s’enthousiasme que modérément pour ses rugissements tant sonores que verbaux. Même au cœur des 70's où les mentalités se libèrent, son attitude choque et aucun média n’ose promouvoir l’exubérance de cette tigresse pas comme les autres. La NAACP (National association for the advancement of colored people), organisation de défense des droits civiques, ira jusqu’à l’accuser de donner une mauvaise image de la femme noire et exigera le boycott radio de ses chansons ! Initialement intitulé Crashin’ from Passion, un quatrième album enregistré en Louisiane durant l’été 1976, restera même dans les oubliettes avant d’être réédité, en 2009, sous le titre Is It Love or Desire.


Minée par ces échecs à répétition, Betty Davis remballe ses mélodies, ses cuissardes et rentre dans cette Pittsburgh qui l’a vu grandir. A 30 ans passés, elle disparaît totalement de la circulation et coupe les ponts avec tous ses anciens complices à la scène comme à la ville. Les quelques interviews qu’elle daignera accorder depuis se feront par téléphone. Et pour le documentaire que le cinéaste britannique Phil Cox lui a consacré en 2017, Betty: They Say I'm Different, elle acceptera de coopérer tout en refusant d’apparaître à l’écran… Régulièrement, une nouvelle chanteuse soul, funk ou R&B vient louer la poignée de disques ou la personnalité à part de Betty Davis. Son esprit surtout. Car comme le titre de son deuxième album le rappelait, Betty Davis n'était pas une chanteuse comme les autres… © Marc Zisman/Qobuz

Discographie

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