Yeah

Chronique

Sorti d’un bon nombre de désillusions face au positionnement que leur a imposé Virgin, les Littles Rabbits changent de cap en adoptant une musique plus rock et instinctive. Si l’album Grand Public n’était alors qu’un test, le groupe réitère avec le producteur Jim Waters (Sonic Youth) et provoque une division au sein de son public. Désormais, il y aura les fans de la pop des débuts, et ceux du rock décadent de la fin.

 

Yeah ! est un véritable bazar organisé. Exit les références anglaises, les Little Rabbits s’orientent sans retenue vers les Etats-Unis, avec une prédilection pour le son trituré de Tucson (Arizona). Leur base musicale est brutalement abandonnée au profit de bidouillages et bricolages sonores. Les voix sont trafiquées et l’humour est omniprésent. Les cassures de rythmes sont fréquentes et perturbent l’auditeur. Le tout a des airs de foire, utilisant tout un inventaire de guitares en plastique jusqu’aux bruits volontairement parasites. Les Rabbits tapent fort avec un rock/pop/groove foutraque aux accents électro. De l’expérimentation mélodique aux allures d’anti-héro.

 

La grande cohérence de l’album est son univers partagé entre le Velvet Underground, le côté dilettante de Gainsbourg (ce qui explique la reprise de « Roller Girl ») et la décontraction d’un Jacques Dutronc. Le son est sale, mais plus blues et noisy. Une expérience que l’on peut ressentir dans le titre « A red disk swimming in the blue sea » et qui, loin de remporter un immense succès commercial, apporte son lot de crédibilité auprès de la presse internationale. « La Piscine » et ses paroles en français sont une des preuves de leur nouvelle mutation : gimmick de flûte, scratchs, solo d'orgue Hammond et d’harmonica. Pour donner la réplique féminine à la voix téléphonée du titre, les Rabbits choisissent Angie Bowie.

 

L’album est aussi l’occasion d’intégrer un nouveau membre aux platines : le DJ nantais Laurent Allinger, un ami de longue date, ancien animateur radio et disquaire émérite. Sous son impulsion, les références pop sont travesties et orientées vers le jazz et les bande originales des 70’s. Les morceaux sont retravaillés jusqu’à l’extrême avec un système d’empilage et de collage sonore apportant de la richesse au propos, notamment sur le titre éponyme « Yeah ! ». Enfin, le morceau « L’Amour » est aussi à noter pour son esprit singulier, dans lequel on ressent parfaitement l’ambiance zen et glamour qui règna sur l’enregistrement. Il servira plus tard à un court-métrage local.

 

En conclusion, Yeah ! marque un grand virage dans le style des Rabbits. Une pierre portée à l’édifice qui prouve leur perfectionnisme et leur attachement à l’ouverture de la pop hexagonale. Cet essai, nécessaire pour la compréhension de reste de la discographie, prendra une nouvelle dimension avec La Grande Musique. Un album beaucoup plus grand public et délirant, que les journalistes qualifieront de « révolution rose ».

 



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