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Yves Nat




Né à Béziers le 29 décembre 1890 et disparu à Paris le 31 août 1956, Yves Nat demeure toujours dans la mémoire des mélomanes comme l’un des très grands interprètes de Beethoven et de Schumann. Fils d’un humble bottier de Béziers, qui jouait en amateur du piston à « La Lyre Bitteroise », enfant prodige qui improvisait dès l’âge de sept ans à l’orgue de la cathédrale, il donna les preuves d’un génie pianistique précoce que remarqua Gabriel Fauré. À sept ans, il connaissait déjà par cœur les 48 Préludes et Fugues du Clavier bien tempéré de Bach, un vrai tour de force. Il a dix ans quand il entre au Conservatoire sur l’instigation du compositeur. Malgré l’obtention d’un premier prix, il connaît des moments difficiles et, comme bien d’autres, dut faire danser dans les cafés. Mais un tel artiste devait fatalement connaître le triomphe. Très vite il s’attire l’amitié de Debussy et du grand violoniste Eugène Ysaÿe qui l’aident à se lancer dans une carrière internationale.



Interprète réputé de Debussy et Fauré, Chopin et Liszt, Yves Nat se porte cependant très tôt vers Beethoven, Schubert, Brahms et surtout Schumann, son compositeur de prédilection, ce qui permit au public français de l’entre-deux-guerres de redécouvrir ce répertoire allemand. Nat y gagnera la reconnaissance d’éminents confrères comme Schnabel et Kempff. Chose étonnante, ce grand musicien qualifiait son piano d’« ennemi intime ». Et il ajoutait : « Je n’enseigne pas le piano, mais la musique. » En réalité, les succès d’estrade lui importaient peu, la scène le rendant malade de trac, et ce modeste ne put jamais s’habituer aux tournées, aux mondanités comme à la solitude engendrée par les nombreux voyages. Par ailleurs, le piano n’était pour lui qu’un «outil» jouant le rôle de résonateur de la pensée musicale, propos qu’il ne faut pas prendre comme une coquetterie de pianiste mais comme une conviction profonde, car Yves Nat, pourtant personnalité hors du commun, était l’homme le plus simple et le plus vrai qui soit, dont la probité artistique est un modèle. Pour ces raisons, bien que l’un des plus grands pianistes de son temps alors au faîte de sa notoriété, il n’est pas surprenant qu’il ait abandonné le clavier pendant dix-sept ans, afin de s’adonner à la composition. Il n’en délassera pas pour autant l’enseignement où il s’impliquera au contraire sans compter, inculquant inlassablement à ses élèves que « L'interprétation idéale présuppose un oubli total de la personne au bénéfice de l'œuvre. S'oublier totalement, afin que l'œuvre se ressouvienne. Qu'elle ait tout de notre être, sensiblement, éloquemment obéissant », tout cela au nom de son postulat : « Tout pour la musique, rien pour le piano ». Professeur innovant, il mettra en pratique des doigtés inventifs dont il fera profiter ses élèves parmi lesquels on compte Jean Martin, Jörg Demus, Geneviève Joy, Gérard Frémy, Odette Gartenlaub, Lucette Descaves, Jean-Bernard Pommier, Marie-Claire Alain, Jacqueline Eymar, Pierre Sancan, Jacques Loussier…



Pendant cette longue absence, son public se désola de ne plus l’entendre dans ses inégalables interprétations des Sonates de Beethoven — cette musique qui « nous questionne, nous interpelle » comme Nat aimait le dire —, car il préférait de loin le pianiste au compositeur qui ne conservait d’ailleurs pas grand-chose de ses compositions dont la plus grande partie passait à la trappe. Il fallut à Yves Nat dix années de travail au prix de « sommets de douleurs » pour achever son poème symphonique L’enfer et dix ans pour son Concerto pour piano qu’il créa lui-même. Pourtant, c’est à onze ans à peine qu’il avait dirigé devant Fauré et Saint-Saëns sa Fantaisie pour orchestre. C’est en 1953, enfin, devant une salle des Champs-Elysées pleine à craquer d’inconditionnels ravis de le retrouver, qu’il donne la dernière occasion de l’entendre, dans un programme Beethoven, Schumann et Chopin (Sonate funèbre). Un concert qui reste dans la mémoire de tous ceux qui eurent le privilège d’y assister. Trois ans plus tard, il disparaissait à seulement 65 ans, foudroyé par une crise cardiaque. « C’était un lion », disait de lui Antoine Goléa.



Ce musicien, d’une extrême sensibilité, côtoyait la mélancolie et en faisait sa meilleure complice, jusqu’à l’identifier à un joyau : « Il faut conserver sa douleur comme un diamant. Il n’y a qu’une tristesse, c’est de la perdre ». Détestant enregistrer en studio, il éprouvait le besoin d’y apporter quelques objets personnels pour donner une parcelle d'âme au lieu et s'y sentir un peu comme chez lui. Serait-ce pour cette seule raison qu’il nous a laissé si peu de disques ? Même si Yves Nat a réalisé la plupart de ses enregistrements à la fin de sa vie, bien après avoir achevé sa carrière de concertiste, l'intégralité de son legs discographique reste exceptionnel et absolument essentiel — d'autant qu'il est d’une bonne qualité sonore (entre autres, les Beethoven enregistrés par André Charlin) ; des enregistrements qui démontrent tous, selon sa belle formule, que « la beauté n’est pas un hasard : elle se prouve » ; des enregistrements qui dévoilent encore, outre la rondeur de sa sonorité due à des doigts charnus, un jeu aussi profond et puissant qu’incroyablement léger ; selon les mots de Jérôme Bastianelli (Diapason), « une sonorité pleine de tendresse, un sens des contrastes, une délicatesse qui se mêlent à un jeu empli de clairs-obscurs évocateurs. Le brillant et le superficiel sont bannis de son esthétique ». Marcel Proust, qui le vénérait, s'exprimera en ces termes : «… son jeu est celui d’un si grand pianiste que l’on ne sait plus s’il est vraiment pianiste ; car cela devient si transparent, si plein de ce qu’il interprète, qu’il disparaît pour devenir une fenêtre ouverte sur le chef-d’œuvre ». N’est-ce pas, en substance, toute l'éthique musicale d'Yves Nat ?



GG © Qobuz (06/2014)

Discographie

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