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Sigfrid Karg-Elert

Le plus grand égocentrique de l’orgue qui ait jamais existé s’appelle sans nul doute Sigfrid Karg-Elert (1877-1933), né Siegfried Karg, mais avec un nom double et une orthographie à la suédoise du prénom, ça ronfle tellement mieux… Outre sa musique pour orgue et pour harmonium, de nombreuses adaptations pour l’harmonium des familles d’œuvres d’autres compositeurs, il écrivait – sous des noms d’emprunt – des articles dithyrambiques sur ses propres œuvres, mais des œuvres qui valent quand même franchement le déplacement ; un étonnant pont entre la rigueur de Bach et le modernisme de Debussy, en passant par Brahms, Scriabine, Grieg qui lui apporta souvent son soutien, le premier Schönberg. « Le compositeur [Karg-Elert] a pris sa tâche religieusement à cœur. Les pièces [Op. 65] sont le fruit d’un sentiment profondément religieux, animés par les précieux trésors du recueil de chants évangéliques. Dans ces pièces, le véritable esprit de Bach revit, dans un langage contemporain. En même temps, toutes les pièces présentent un travail d’orfèvre, qui rappelle souvent les anciens maîtres Buxtehude ou Pachelbel ». Ainsi un certain Hanns Avril (une sous-espèce du poisson, sans doute) louait-il aux nues, dans une revue de 1910, un nouvel ouvrage de Karg-Elert, mais l’aimable lecteur l’aura deviné, Hanns Avril est l’un des nombreux noms de plume de Karg-Elert lui-même, qui préférait nettement écrire ses propres critiques. Si le procédé frise la malhonnêteté, force est de constater que la musique en vaut pourtant vraiment la peine ; d’ailleurs, le dédicataire de l’une de ses œuvres, Alexandre Guilmant écrivait en personne (et pas sous la dictée) : « J’aime beaucoup la musique de ce compositeur, car il y a de la mélodie, une écriture excellente et un sentiment poétique, qui ne se trouve pas toujours dans la musique d’orgue. »

Les œuvres de Karg-Elert furent (et sont encore) souvent programmées outre-Manche : il y eut même un Festival Karg-Elert à Londres, de son vivant. Il laisse un impressionnant corpus pour orgue et pour « harmonium d’art » (le Kunstharmonium, un instrument développé en particulier par le facteur français Mustel qui inventa aussi le célesta, doué d’innombrables possibilités techniques dont l’harmonium de base était incapable), dont plusieurs œuvres sont considérées comme parmi les meilleures réussites de toute la littérature musicale – selon son propre avis, certes très autorisé. Mais force est de constater que son langage est extrêmement puissant. Aussi éloigné de Reger que l'on peut l’être (Reger qui écrivait des choses « anarchiques, brutales, jamais travaillées », disait Karg-Elert, alors c’est sans doute vrai...), héritier du contrepoint de Bach et du grégorien, il réussit ses constructions de manière magistrale. C'est lui qui le dit, mais en plus, c'est vrai ! Sa propre Passacaille « tient dix fois plus la route comparée aux choses pour orgue tellement anarchiques, brutales, jamais vraiment travaillées de Reger ». On lui connaît aussi un bel éventail d’œuvres pour piano, d’autres pour piano et harmonium, le tout assez largement disponible au disque.

Citons parmi ses œuvres « l’Op. 87 No. 2 qui est la reine parmi mes compositions pour orgue. Elle va rallier le dernier des sceptiques à la reconnaissance de ma suprématie parmi les compositeurs allemands pour orgue ». Il faut avouer que la monumentalité de l’ouvrage ne fait pas de doute : l’accord final exige que l’assistant registrant tienne lui-même plusieurs notes, afin que le ffff éclate encore plus brillamment. Pourtant, Karg-Elert déclarait lui-même qu’il n’avait aucune patience avec les « fumeuses démonstrations musclées insupportablement pompier, bouffies et athlétisantes aux allures de folie des grandeurs qui cherchent à tout bouter sous terre à coups de pied tout en se prétendant inspirées de Dieu. » Et toute sa musique est de la même eau : phénoménale, titanesque, richissime, infiniment imbriquée. On ne peut que regretter que son ego surgonflé ait quelque peu éclipsé sa véritable personnalité musicale, et nous enjoignons l’aimable lecteur de se pencher sur les désormais nombreux enregistrements de sa musique pour s’en persuader lui-même. © SM/Qobuz

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