Sound of Joy

Chronique

Considéré à tort comme le deuxième vrai enregistrement de Sun Ra (des plages plus obscures ou qu’on croyait complètement égarées refirent surface au fil des années), Sound Of Joy n’en reste pas moins un enregistrement palpitant, permettant de comprendre d’où venait le chef d’orchestre et où, déjà, il escomptait bien aller.

 

Dans la jungle surréaliste de la discographie du groupe, il constitue également – par son affiliation à la période Chicago– l’une des premières gemmes de l’œuvre. Ainsi, l’orchestre prend appui (à l’instar d’un tremplin) sur toute la tradition swing des grands orchestres, mais également sur ce que l’on considéra a posteriori comme la première révolution du jazz, à savoir le bop. Tout cela (la démarche artistique) deviendra plus limpide dans un futur proche, mais, dans l’instant, l’approche dadaïste que peut avoir Sun Ra de son piano, excentrique, enfantin et déterminé, dynamite tous les poncifs. De même, la participation du pianiste James Herdorn, momentanément en congé de l’éminent groupe chicagoan de gospel The Caravans, permet de mieux cerner l’approche qui est faite ici de la tradition.

 

Le goût des dissonances, l’utilisation d’instruments inhabituels – tout du moins dans le jazz – comme les gongs, prouvent le choix d’une lutte permanente entre innovation et convention. Et le menu, exclusivement constitué de compositions originales, affûte de façon limpide la détermination du leader. Certaines pièces (« Saturn », « Planet Earth ») démontrent amplement que la cosmologie de Sun Ra est déjà en marche. Certaines participations (le saxophoniste John Gilmore, le baryton Pat Patrick) préfigurent ce que deviendra à – court – terme la tribu de Sun Ra : un groupe de musiciens libres et déterminés. Et la présence du producteur (« superviseur ») Tom Wilson, plus habitué aux frasques de Bob Dylan ou Frank Zappa, alimente la conviction que Sun Ra s’est d’ores et déjà évadé du carcan formaté du jazz, pour élaborer une musique d’inventivité et d’aventure.

 







NB : le disque a été enregistré en novembre 1957, mais édité seulement en 1968.

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