Screen Time

Chronique

Les titres des dix pièces instrumentales de cet album de Thurston Moore ressemblent à nos souvenirs confinés des années 2020 et 2021 : The Station, The Town, The Home, The View, The Neighbor… La gare, la ville, la maison, la vue, le voisinage… Un horizon domestique, un repli sur soi et sur sa guitare pour l’ancien Sonic Youth. Enregistré durant l’été 2020, ce disque fait suite à l’excellent By the Fire, sommet de rock « à l’ancienne », mais toujours ravivé par la foi et l’inventivité de Moore. Ici, c’est complètement autre chose. Pas de chansons, pas de batterie, pas de rock, uniquement des guitares, qui expriment une autre facette du musicien. Les notes sont égrenées et s’écoutent comme on regarde la pluie couler sur une vitre ou le pare-brise d’une voiture. Elles s’étirent, tombent, se rejoignent, la répétition crée l’hypnose et le bien-être chez l’auditeur. A peine une note plus haute que l’autre, jamais d’explosion. Cet album pourrait ressembler à ce que joue Thurston Moore tout seul chez lui, sans enjeu, pour se détendre, faire ses gammes et simplement pratiquer son instrument. Les fans reconnaîtront son jeu subtil et instinctif, les micro-explorations qu’il invente sur le manche de son instrument. Mais inutile de sortir les superlatifs ou de crier au génie : ce disque est voué à accompagner les séances de méditation plus qu’à déchaîner les foules. © Stéphane Deschamps/Qobuz