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Chronique

La musique latino-américaine demeure un continent immense, à découvrir. Villa-Lobos (Brésil, 1887-1959), Ginastera (Argentine, 1916-1983), ont volontiers été reconnus en dehors de leur pays natal, sans doute en raison de leurs liens très étroits avec l'Europe et les Etats-Unis. À partir des années 1970, le disque favorisa aussi la découverte de personnalités plus discrètes (en dehors de leur pays natal). Ainsi de Camargo Guarnieri (1907-1993) par exemple, qui reste un compositeur brésilien majeur du XXe siècle, si peu connu en dépit de ses merveilleux Ponteios que tout pianiste devrait toucher !

Radamés Gnattali (1906-1988) appartient à la même génération que Guarnieri, qui suit d’une dizaine d’années celle non moins splendide des Francisco Mignone ou Fructuoso Vianna (véritable génie lui aussi, trop peu connu). En 1978, le pianiste brésilien Roberto Szidon – alors désireux de promouvoir plus largement la musique de son pays natal – avait publié chez Deutsche Grammophon un LP entier dédié à la musique de Gnattali : sans doute l’un des seuls, avant la parution de ce projet de Luís Rabello sur le label néerlandais Challenge Classics, qui deviendra un événement pour tous les amoureux du piano sud-américain.

Luís Rabello bénéficie naturellement d’une prise de son plus confortable. Il propose un aperçu varié entre structures ambitieuses (Sonate No. 2, Préludes), pièces de genre (Vaidosas), et pages d’inspiration directement populaire (Manhosamente, Exercices sur des rythmes brésiliens). Les traditions populaires innervent toujours la pensée des compositeurs d’Amérique Latine, rendant l’interprétation de leurs œuvres particulièrement ardue, car il y faut un raffinement extrême dans l’art de colorer autant que dans celui de tendre ou non le rythme. Luís Rabello donne des lectures droites. Le charme, l'esprit ne sont pas sa première préoccupation. Il y a plus de quarante années, Roberto Szidon s'avérait plus sensible à l'aspect mouvant de ces musiques, qui tentent souvent une synthèse parfois déconcertante entre rêveries "urbaines" et souvenirs de la musique moderne du début du XXe siècle (Scriabine). © Pierre-Yves Lascar/Qobuz