Joseph Martin Kraus: Streichquartette

Chronique

Y avait-il la place dans la mémoire collective pour deux compositeurs nés en 1756, l’un mort en 91 et l’autre à peine un an plus tard ? Le pauvre Joseph Martin Kraus en fait sans doute les frais… Sans oublier qu’une grande partie de son œuvre est pour l’instant perdue, même si quelques ouvrages refont régulièrement surface. Pour ce qui est de la carrière, Kraus la commença comme poète, pamphlétaire et étudiant en droit, à Mannheim, Mayence et Göttingen, avant de s’aventurer à l’âge de 22 ans en Suède – à cette époque Gustave III souhaitait faire de Stockholm une grande capitale culturelle, ce qui attira nombre d’artistes venus de toute l’Europe – où il finit, après trois ans de misères, à se tailler une place de choix auprès du souverain qui avait apprécié son opéra Proserpine. Le fait que le livret était signé du roi en personne ne gâchait rien, il est vrai. À la suite, Gustave III lui offrit quelques années de voyages à travers l’Europe afin de se familiariser avec l’art de gérer des maisons d’opéra, de sorte que Kraus se retrouva à Berlin, Dresde, Leipzig, Munich, Vienne, Esterháza où il rencontra Haydn, Venise, Florence, Rome, Naples, Bologne puis Paris où quelques-unes de ses symphonies furent publiées… sous le nom de Haydn. C’est dire la qualité de sa musique ! Voici ses Quatuors Op. 1 – numéro d’opus qui n’a rien à voir avec la période de conception, puisqu’ils datent de l’époque parisienne, 1784. On y entend bien sûr l’influence de Haydn, mais aussi une grande liberté formelle et mélodique qui en font des ouvrages très personnels, pré-beethoveniens. Hélas, le pauvre Kraus devait suivre Mozart dans la tombe de quelques mois… Il incombe à la postérité d’enfin le redécouvrir. © SM/Qobuz