Collective mon amour

Chronique

La néo-pop française a de la chance : elle défriche son chemin sans s’encombrer de cet esprit de « mouvement » qui, outre la vacuité inhérente aux artistes impliqués, avait fait des « baby rockers » la plaisanterie la plus fétide de la création hexagonale de ces dernières années. Mais en œuvrant chacun dans leur coin, les tenants de cette pop fine n’en finissent plus de nous séduire. Après Aline, après les délicieux Granville et leur pop sous influence sixties, 2013 nous offre Eléphant (déjà repéré par Vanessa Paradis qui leur a demandé des chansons pour son album imminent), dont la fragilité gracile est inversement proportionnelle à leur pachydermique pseudonyme et réhabilite l’essence du couple pop eighties (à la Luna Parker, Niagara, voire Rita Mitsouko), à ceci près qu’ils chantent tous les deux.

Des mélodies chantournées, dont l’apparente simplicité dissimule à peine un soin particulier apporté aux arrangements, très acoustiques, avec violons d’appoint et cuivres parsemant une mélancolie en noir et blanc sur « Au fond (c’est beau) » ou rythmes concassés caribéens et ukulélé sur le primesautier « I Think I Love You ». Mais aussi avec une multitude apparente d’instruments utilisés avec une parcimonie pointilliste dont on tracera la généalogie jusqu’aux Beatles de studio des années 1967/70. On s’interroge sur la proximité de « Rien » avec le style identifié du petit maître (comme on dit en peinture) Mathieu Boogaerts mais pour la défense d’Eléphant, l’explication tient sans doute dans la versatilité de leurs compositions.

La voix mutine de Lisa perpétue cette tradition très française des chanteuses lolitesques au charme candide autant qu’érectile, principalement sur les titres qu’elle assume seule comme l’homonyme « Lisa » où elle fait montre d’une interprétation très comédienne. De cet album liminaire qui vient timidement tenter de réclamer une place au soleil des ondes, on retient une grâce certaine et cette quintessence de la pop qui caresse l’oreille. Des chansons confidences, tour à tour enlevées ou sensuelles mais toujours effervescentes. Quant à la potentielle mièvrerie que le genre porte en filigrane, elle est démentie par cet aspect épicé qui va chercher dans les cultures tziganes ou subsahariennes et qui muscle le propos de sons poivrés. Quelques tubes modestes se dissimulent à peine dans Collective Mon Amour (celui-là, justement), comme on joue à cache-cache avec un enfant, dans le but évident de se faire découvrir au plus tôt.

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