Ceremony (Omar Sosa, ndr Big Band)

Chronique

On pourra dire : Noël tous les jours de l’année. En effet, le compositeur et pianiste cubain (mais il vit actuellement en Catalogne) Omar Sosa offre une bien nommée Ceremony (en rappel des rituels développés quelque part en Afrique de l’Ouest, par exemple en royaume yoruba), qui s’impose d’ores et déjà comme l’un des enregistrements majeurs de l’année. Il convient toutefois de préciser que l'homme n’est pas seul maître à bord, et que la brillante réussite du disque est également la résultante d’une rencontre magique. C’est en effet Jaques Morelenbaum qui s’adjuge les arrangements et la conduite d’orchestre de l’entreprise. Ce dernier, historique compagnon d’Antonio Carlos Jobim (tant sur scène qu’en studio) et metteur en scène des perspectives harmoniques de Cesaria Evora ou de Gilberto Gil (et de notre Henri Salvador national), enrobe en effet ces musiques de déhanchement et de sensibilité de la luxuriance d’un orchestre juste en tout point, menant l’équipage d’une baguette à la fois ferme et veloutée.

La belle rencontre entre les deux hommes s’est opérée grâce à un producteur de la NDR, radio allemande qui va jusqu’à fournir les cuivres et les vents de son grand orchestre, et les sessions se sont déroulées à Hambourg, en deux mois répartis sur deux années. Quelques compatriotes de Sosa (ainsi que le bassiste mozambicain Childo Tomas) ont fait le voyage, à l’instar du percussionniste Marcos Ilukán et de Julio Barreto à la batterie. Les thèmes (tous de la main de Sosa) battent le rappel de quelques incunables du pianiste et font revivre les rythmes millésimés de l’île de Fidel Castro, du son au cha cha cha, en passant par le danzón. Et la liberté qu’octroie la légèreté de la formation initiale (un quartette afro-cubain finalement assez conventionnel) autorise Morelenbaum à toutes les strates colorées.

Il suffit de jeter une oreille sur « MinTradición », en hommage limpide – et son extraordinaire chorus de piano – ou au chœur de la charge de la brigade légère des cuivres dans « Carambabá », pour convenir de l’extraordinaire respect mutuel qui a ici réuni l’arrangeur et l’instrumentiste, rencontre tropicale, avec une manière d’aborder le clavier héritée de Thelonious Monk ou de Keith Jarrett, musique élégante, sophistiquée, et savante in fine.

Tout ici est fluide et essentiel, enjoué et écrit, spontané et agencé. Ce qui doit constituer quelque chose comme le vingtième album d’Omar Sosa ne lui offre pas seulement un nouvel élan, et de nouvelles perspectives : on le considèrera également comme un chef d’œuvre.
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