Black Up (Édition StudioMasters)

Chronique

Ishmael Butler est un drôle de phénomène, du genre insaisissable. Apparu en tête chercheuse du trio Digable Planets à l'aube des nineties , il se fait alors appeler « Butterfly » et prodigue un rap nourri d'effluves jazz et soul. Alors qu'on le pensait évanoui dans la nature, il réapparaît tel le phénix de la légende en guitariste fondu de blues au sein de Cherrywine (2003) ou en partenaire du duo du Bronx, Camp Lo. Qui aurait pu se douter qu'il se cachait sous le sobriquet Palaceer Lazaro en Monsieur Loyal du projet nébuleux Shabazz Palaces ?

Uniquement ceux qui ont suivi une à une ses aventures et de par le fait reconnu son flow menaçant couvrant un tapis de samples de jazz, de battements soul ou de secousses electro sur les deux EP prodigués par Shabazz Palaces sur son site. Deux opus remarqués la presse de Seattle avant de mettre en alerte les fins limiers du rap et de battre le rappel des labels. A la surprise de tous, c'est l'actuel patron de Sub Pop Rich Jensen qui rafle la mise et crée un précédent (sacrilège ?) sur le label affilié au mouvement grunge.

Constitué d'un matériel original démontrant les ressources de son créateur, l'album Black Up se présente comme un jeu de piste citant moult références de l'âge d'or Daisy Age à travers des samples jazz ou contemporains, aussi léchés qu'inattendus (de Steve Reich au « Shrinkwrap » de Robert Wyatt). En dix titres déroulés sous calligraphie arabe, le rappeur remonte le fil du temps qui relie Burial à Tricky, et inflige avec ses comparses de l'ombre quelques savantes claques, de l'ouverture « Free Press and Curl » au sombre final « Swerve... » . Complexe et abstrait, il renvoie le dubstep à ses universités au détour d'un « Youlogy » ou « Recollections of the Wraith » . Voilà de quoi méditer encore quelques années sur le futur du rap.

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