Black Labyrinth

Chronique

On pensait benoîtement que Davis était chez lui dans Korn et qu'il disposait du groupe selon ses caprices musicaux. Ce premier album solo (si l'on met de côté le live Alone I Play: Live at the Union Chapel avec SFA en 2007) vient précisément prouver le contraire. Les fondamentalistes néo-metal ne manqueront pas de crier à l'hérésie, mais leurs troupes s'amenuisant, ça ne risque guère d'inquiéter l'intéressé. On ne manquera pas du reste de se demander si ce "labyrinthe noir" doit être labellisé "metal AOC", au même titre que les dernières productions de Marilyn Manson et surtout Linkin Park dont il se rapproche plus d'une fois (Underneath My Skin a des petits airs de Crawling). Si, sur cinq titres, le chanteur a fait appel à Wes Borland, l'iconoclaste guitariste de Limp Bizkit, c'est que celui-ci s'y entend pour brouiller les pistes avec des sons "venus d'ailleurs". Sinon, c'est lui qui se charge de toutes les autres parties de guitare, comme de la plupart des claviers ou de la programmation, tout en ajoutant un peu de violon, de sitar ici et là. Mais pas de cornemuse. Pour le reste il a gardé sa fine équipe de SFA, groupe dissous après la mort du guitariste Shane Gibson, à savoir Ray Luzier à la batterie, Zac Baird aux claviers et Miles Mosley à la basse. Et surtout le formidable Shenkar au violon, sur Final Days, Basic Needs et Gender., sous le nom de L. Shankar, ce fils de Ravi, qui avait notamment joué avec John McLaughlin période Shakti, puis Frank Zappa, Peter Gabriel et sur la bande originale du film Queen of the Damned, pilotée par Davis. Il n'est pas le seul à apporter une influence indienne sur plusieurs morceaux, Mike Dillon ajoutant des percussions, dont du tabla.

Entre rock indus et rock indé, avec quelques morceaux qui tirent plutôt vers la pop électronique (Your God, Walk on By, The Secret, Medicate, Please Tell Me…), Black Labyrinth, ça ne surprendra personne, met surtout en valeur le chant chamarré à l'extrême du patron. Tant vocalement que musicalement, Davis est un touche-à-tout plus que doué. Il a abordé cet album comme ses musiques de film, avec un maximum d'ouverture et un talent certain pour développer des arrangements tout en nuances. Après écoute de cet album, on ne peut s'empêcher de penser à Peter Gabriel, jusqu'à se demander s'il n'aura pas un peu de mal à revenir dans Korn après ce coup de maître, comme ce dernier avait naguère dû quitter Genesis où il se sentait trop à l'étroit et déphasé. © Jean-Pierre Sabouret/Qobuz