The Montreux Years (Live)

Chronique

Il était tout naturel qu’un volume de la série de compilations The Montreux Years soit un jour consacré à l’immense pianiste Chick Corea, qui, au cours de sa longue et brillante carrière, se sera produit pas moins de 23 fois dans le cadre du prestigieux festival de jazz. Composé avec habileté de huit plages extraites de six performances données entre 1981 et 2010, ce disque offre un aperçu assez précis et exhaustif des diverses orientations qu’aura prises la musique du pianiste au fil des années, et peut se parcourir comme une excellente introduction à son univers solaire et généreux cherchant constamment l’équilibre entre tradition(s) et modernité(s), écriture et improvisation, lyrisme et expérimentation…

S’appliquant à couvrir tout le spectre des genres visités au gré des projets et des formations convoquées, la sélection s’autorise deux échappées du côté du jazz-fusion (Interlude enregistré en 2004 avec l’Elektric Band) et du concerto néo-classique (America (Continents, Pt.4), présentant en 2006 le pianiste, à la fois compositeur et soliste, accompagné du Bavarian Chamber Philarmonic). Mais elle se focalise de façon générale sur cette forme de jazz moderne acoustique de haute virtuosité qui aura été la grande affaire de Corea dans la dernière partie de sa carrière. A la tête de son Akoustik Band (John Patitucci et Dave Weckl) en 1988 pour une magnifique reprise de Quartet No.2, ou en 2001, entouré des membres de son New Trio (Avishai Cohen et Jeff Ballard) pour deux morceaux touchés par la grâce (Fingerprints et Dignity), Corea s’y montre époustouflant d’aisance technique et d’inventivité, déclinant avec une énergie et une jubilation rythmique de tous les instants toutes les séductions d’une musique du flux et de la lumière.

On s’attardera aussi tout particulièrement sur ces vibrants hommages rendus à deux monstres sacrés du piano jazz que Corea n’aura cessé de saluer comme ses modèles : Bud Powell pour le morceau du même nom enregistré en 2010 en compagnie de Kenny Garrett, Christian McBride et Roy Haynes ; et Thelonious Monk pour une reprise pleine d’espièglerie de Trinkle Tinkle enregistrée en 1981 à la tête de son quartet. Une façon pour le pianiste d’à la fois payer sa dette avec humilité envers ces génies du jazz et de s’inscrire avec superbe dans cette lignée de géants. ©Stéphane Ollivier/Qobuz