Etemen Ænka

Chronique

En 2017, le monde du stoner (et par extension du metal) se prenait une jolie petite baffe de la part d’un jeune groupe écossais plus que prometteur, sorte de fils spirituel de Mastodon qui aurait au passage pioché quelques idées chez Tool. DVNE, tel est son nom, en hommage à l’œuvre de Frank Herbert, offre alors un voyage à travers un rock surpuissant mâtiné de psychédélisme qui n’hésite pas à imposer des riffs métalliques rageurs tout en développant des passages doom pesants à souhait. Le combo a beau évoluer dans une sphère aussi spécialisée qu’indépendante, il déclenche les passions chez les amateurs et par extension, provoque une véritable attente fébrile nourrie par l’espoir d’entendre un prochain album aussi inventif et original que ce premier essai enivrant. Quatre ans plus tard, après un EP en guise d’amuse-bouche, DVNE revient, plus singulier que jamais. Il a élargi son spectre musical, tout en affirmant une identité qu’il avait commencé à se forger avec ses premiers morceaux. Ce qui pourrait passer pour de la schizophrénie est en fait une parfaite maîtrise de diverses influences, intégrées les unes aux autres, à l’image de Towers qui démarre comme un morceau de Neurosis (c’en est presque confondant) avant d’évoluer vers un metal un brin progressif suivi d’une fin plus aérienne. Des ambiances magnifiquement gérées, qui en général, s’amusent à dissimuler le plan qui suivra, beaucoup plus dévastateur (Omega Severer, déjà sorti sous la forme d’un Maxi quelques mois avant l’album). Des alternances de calme et de tempête qui empruntent plus au metal d’avant-garde et au post-metal de groupes comme Cult of Luna ou Isis qu’au Stoner dans lequel les racines du groupe étaient en partie plongées aux côtés du doom et du sludge. À l’instar de nombreux albums aux contours progressifs qui se respectent, Etemen Aenka y va de ses longues passages instrumenteaux qui viennent lier différentes parties pour donner naissance à de grands morceaux aussi épiques qu’intenses (cinq chansons sur les dix que comprend l’album oscillent entre sept et onze minutes) mais jamais chargés d’informations inutiles. Un voyage qui s’offre quelques détours par la case seventies le temps d’un plan ou deux, ou de l’utilisation d’un son plus psychédélique. C’est là que DVNE conserve certains points communs avec Mastodon. Toujours massif dans ses choix de riffs, témoins de ses racines ancrées dans le doom et le sludge, le combo d’Edinburgh a su rendre sa musique plus complexe et plus technique sans céder à l’appel de la démonstration gratuite. Un choix gagnant qui fait d’Etemen Aenka un nouveau jalon en même temps qu’une référence, véritables preuves qu’un style peut toujours se renouveler grâce à des formations qui brisent les barrières. © Chief Brody/Qobuz