ISAM

Chronique

Certains grands enfants se souviennent encore de l’impression forte et persistante que leur procura la première lecture de Vingt mille lieues sous les mers, et en particulier celle du chapitre décisif dans lequel Pierre Aronnax et ses compagnons d’aventure pénètrent dans l’antre, mobile et sous-marin, du Capitaine Nemo. Amon Tobin pourrait parfaitement illustrer en musique cet instant fascinant et anxiogène, tant il a su, dès ses galops d’essai il y a près de quinze ans, développer une science musicale et émotionnelle rare.

Isam est le premier volet d’un triptyque que devrait publier le musicien brésilien en 2011, mettant ainsi un terme à un silence discographique de plus de trois années, et, plus prépondérant, instillant une considérable progression dans l’exercice de son art. Après avoir en effet occupé ces trimestres passés à quelques mignardises (un soupçon de dubstep, quelques pièces parcimonieusement proposées sur son site), le résident californien – c’est à San Francisco que fut conçu Isam - a alimenté sa discographie pléthorique d’un opus sombre où le jeu, entre acoustique et synthétique, naturel et recréé, reste permanent. Pour ce faire, Tobin, de son propre aveu, n’a pas hésité à consacrer de nombreux mois à l’apprentissage de nouvelles techniques et technologies, et à se consacrer quasi exclusivement à ce projet, mettant en particulier de côté les nombreuses sollicitations de la scène ou du cinéma.

Son précédent effort Foley Room (2007) avait impressionné par la maîtrise des sons de la nature, animaux ou bruits industriels. Isam poursuit cette quête sonore, y adjoignant l’utilisation de techniques d’échantillonnages multiples. De manière évidente, la pâte nourricière du projet trouve ses fondements aux confins du psychédélisme, mais peut se référer avec la même acuité à des univers étrangers à la musique, du Stanley Kubrick de 2001, l’Odyssée de l’espace, à quelques bonnes feuilles de...Blaise Pascal : le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie. Douze pièces qui n’en font qu’une, comme le rêve irraisonné d’un savant désireux de domestiquer la nature.

L’album est commercialisé en format standard, double LP, édition incluant un livre d’art, et version deluxe offrant, si l’on peut dire, en sus un tee shirt. En outre, la sortie d’Isam s’accompagne d’une installation (Isam : Control Over Nature) créée en compagnie du sculpteur Tessa Farmer, visible à Londres, et démonstration du souhait d’Amon Tobin de ne pas se limiter à un seul processus créatif.



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