Devotion

Chronique

Le duo / couple bidouilleur autant que barge est une spécificité bien française, des époustouflants Kas Product aux merveilleux Rita Mitsouko, en passant par les plus obscurs Double Nelson, les très electro post rock Rhinocérose, voire les turbulents Peter et Sloane.

Kap Bambino, entre Bordeaux et Londres, s’inscrit donc depuis le début des années 2.0 dans cette perspective d’un rock thrash et vrillé d’électronique abrasive, cousins d’un Crystal Castles préoccupé d’agressivité musicale et de sonorités sans concession. Plus ou moins cinquième album de leur saga jusqu’au-boutiste, Devotion, cérémonie bruitiste rythmée par des beats concassés, lacérée de vocaux hurlés par Caroline « Khima France » Martial, se révèle une liturgie de l’extrême (les proto chœurs grégoriens en intro de « Burning » ou les orgues fuligineuses de « Next Resurrection »).

Jamais concernée par la douceur, la mélodie, la caresse, la musique de Kap Bambino reste aride, anhydre même, comme si elle n’était prétexte qu’à mettre en scène des sabbats scéniques dont public et artistes sortiraient exsangues, couverts de bleus, vidés de l’énergie déversée dans la tornade sonique, l’éruption incantatoire... À l’inverse d’un monde clean et aseptisé tel que promu par Steve Jobs, le territoire électronique de Kap Bambino est sale, rugueux, bourré d’angles acérés, de sinusoïdes piégeuses. S’y laisser prendre, c’est abandonner toute notion d’équilibre et de plaisir pour se mettre en danger.

Les treize morceaux, que nous hésiterons à nommer « chansons », sont autant de tranches saignantes de musique sexuelle, souvent violente, traversées par de rares moments de sérénité que menace aussitôt l’ombre de leurs démons. On n’en sort pas indemne, si l’on a accepté de les y suivre.

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