À l’occasion d’une grande exposition qui lui est consacrée à la Philharmonie de Paris, retour sur les liens étroits qu’entretenait Charlie Chaplin avec la musique. Interprète et réalisateur légendaire, l’homme à la canne et au chapeau melon était également l’auteur de la musique de ses films.

Vers la fin des Temps modernes (1936), alors qu’il vient d’entrer sur la scène d’un cabaret pour chanter Titine, Charlot perd subitement les antisèches que son amie Paulette Goddard avait écrites sur ses manchettes amovibles. Pris de panique car ne connaissant pas les paroles par cœur, il se met à les chercher autour de lui, tandis que l’orchestre joue l’introduction ad libitum. Dans les coulisses, Paulette Goddard lui souffle alors cette phrase magique : « Sing ! Never mind the words ! » (« Chante ! Ne t’occupe pas des paroles ! »). S’ensuit un moment d’anthologie où Charlot chante en charabia. Cette réplique symbolise à elle seule l’importance du rôle de la musique pure chez Charlie Chaplin. Jusqu’à Monsieur Verdoux en 1947, il considérait les mots comme un élément superflu – qu’il s’agisse des dialogues au sein des images ou des paroles au sein d’une chanson. Commentaire poétique et gracieux de l’image ou illustration synchronisée d’une séquence comique chorégraphiée, la musique est au centre du système chaplinesque et possède sa propre marque mélodique et orchestrale.

Né à Londres en 1889, Charlie Chaplin s’est frotté très jeune à l’univers du spectacle grâce à ses parents, artistes de music-hall. À 18 ans, il intégre la troupe de Fred Karno, et c’est lors d’une tournée avec celle-ci qu’il se met à pratiquer avec assiduité non seulement la pantomime, mais aussi la musique. « Pendant cette tournée, j’avais avec moi mon violon et mon violoncelle », racontera-t-il plus tard. « Depuis l’âge de 16 ans, je m’exerçais de quatre à six heures par jour dans ma chambre. […] J’avais l’ambition de devenir un artiste de concert ou, tout du moins, d’utiliser mes talents de violoniste dans un numéro de music-hall. » Dans l’un de ses derniers longs-métrages, Les Feux de la rampe (1952), on se rend compte de l’évidence des liens affectifs que Chaplin entretenait avec le violon. Le personnage de comédien vieillissant qu’il interprète y fait un numéro comique tournant autour de cet instrument. Il est, par ailleurs, accompagné au piano par un certain Buster Keaton.

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