C’est avec des péplums comme « Ben-Hur » ou « Jules César » que Miklós Rózsa a bâti sa réputation de compositeur. Mais cet arbre cache une forêt luxuriante où on le découvre aux génériques de films noirs emblématiques des années 40, mais aussi aux commandes de musiques de concert. Portrait d’un compositeur hors norme qui a donné un coup de fouet à la musique de film hollywoodienne.

Lorsqu’on se penche sur la carrière d’un compositeur hollywoodien aussi légendaire que Miklós Rózsa, il est aussi tentant d’observer son rôle et son évolution au sein de cette institution impitoyable que d’analyser sa musique. Outre sa célèbre citation sur le statut du compositeur de musique de film à Hollywood (« J’étais un prisonnier, mais un prisonnier bien payé »), le compositeur d’origine hongroise rapporte dans son autobiographie Double Life (Midas Books, 1982) une anecdote révélatrice du manque de considération inhérent à son métier. Au moment de la conception de Quo Vadis en 1951, Rózsa tente désespérément d’obtenir un rendez-vous avec le réalisateur Mervyn LeRoy pour discuter de la musique du film.

Au milieu du tournage de ce péplum, le compositeur doit passer quelques jours à Londres, afin de finaliser la musique d’un autre long-métrage. Peu avant son départ de Los Angeles, il reçoit un appel du secrétariat de LeRoy, qui l’informe que ce dernier souhaite le voir dès que possible pour parler musique. Miklós Rózsa se rend donc sur le plateau de Quo Vadis. Comme prévu, LeRoy va à sa rencontre, mais ce n’est pas pour parler musique : le réalisateur voulait simplement lui demander s’il pouvait lui ramener de Londres une boîte de ses cigares préférés. « Ce fut notre seule et unique discussion à propos de musique », conclut Rózsa avec ironie. Le livre est truffé d’anecdotes du même acabit. Rózsa a beau être l’un des plus grands compositeurs de sa catégorie, réputé pour ses musiques musclées, son statut n’en est pas moins fragile, et il n’est pas épargné par la légèreté (voire l’ingratitude) de ses collaborateurs et des majors.

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