Basé sur un fait divers survenu en France pendant la Terreur révolutionnaire (l’histoire d’une jeune femme intrépide se déguisant en homme pour tenter de sauver son mari emprisonné au fond d’un cachot), l’unique opéra de Beethoven a connu une destinée mouvementée, remanié de part et d’autre au fil des années. Nouvelle preuve du génie musical du compositeur allemand, “Fidelio” lui a aussi permis de mettre en musique un livret répondant à ses opinions politiques.

Fidelio est l’unique opéra de Beethoven. Plus précisément, et comme La Flûte enchantée, c’est un singspiel, opéra généralement assez joyeux et entrecoupé de parties parlées. Son livret est l’adaptation en langue allemande d’un drame de Jean-Nicolas Bouilly, Léonore ou l’amour conjugal, déjà mis en musique par Pierre Gaveaux en 1798. Des similitudes troublantes entre les partitions de Gaveaux et Beethoven laissent penser que l'Allemand aurait pu entendre l’œuvre du Français. Mais Leonore appartient à l’opéra-comique d’Ancien Régime quand Fidelio regarde vers le préromantisme. 

Dix années sont passées entre la création de l’ouvrage lyrique de Beethoven en novembre 1805 – dans sa première mouture et sous le titre Leonore – et le succès de sa reprise en mai 1814. Dans l’intervalle, le livret en trois actes a été fondu en deux actes plus dramatiques et pas moins de quatre ouvertures ont été composées. Le livret développe une intrigue apte à accueillir les idéaux de liberté et de fraternité que le compositeur hérite des Lumières et qu’il transpose en amour et fidélité conjugale, unis devant le joug du pouvoir arbitraire.

Fidelio au disque

Toujours contesté, souvent mal aimé des amateurs d’opéra, Fidelio dépasse la scène pour atteindre l’universel, comme les grands drames de Shakespeare. Parmi les reproches formulés, on retient souvent le manque de virtuosité et même les maladresses de l’écriture vocale, ou encore une théâtralité déficiente. Un rapide examen de la partition a pourtant vite fait de balayer de tels arguments. La construction de Beethoven est magistrale. Débutant comme un frivole singspiel, l’œuvre prend peu à peu de l’épaisseur pour trouver une dimension tragique qui s’achèvera dans la liesse générale à l’ouverture de la prison, symbolisant la fin de l’obscurantisme. Rares sont les ouvrages ayant une telle conscience politique et des aspirations aussi nobles.

Difficile à chanter, Fidelio possède des rôles écrasants, comme celui de Leonore/Fidelio, passant elle aussi du rire aux larmes dans une tessiture souvent très tendue, et celui de Florestan, inexistant durant tout le premier acte et qui doit hurler tout à coup son désespoir au début de l’acte suivant dans la nuit totale de sa prison. Certains chanteurs se sont illustrés dans cet opéra, d’autres s’y sont cassé les dents… ou la voix.

Le disque s’est assez tardivement emparé de Fidelio dont on ne trouve nulle trace avant 1938 et les fameux live du Metropolitan Opera de New York avec l’inoubliable Kirsten Flagstad sous la direction d’Artur Bodanzky (1938) et de Bruno Walter (1941). Plus tard, il y aura le témoignage de Karl Böhm sous les bombes à l’Opéra de Vienne en 1944. Suivront Toscanini, Klemperer et Furtwängler (dont il existe de nombreux témoignages) avant les premières versions de studio au début des années 1950.

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