Auteur-compositeur-interprète infatigable, Francis Lemarque s’est retiré le 20 avril 2002, après un long parcours dans la chanson. Retour sur la carrière prolifique d’un des plus grands poètes français du XXe siècle, qui a si bien su décrire sa ville natale, Paris.

Il y a un tournant dans chaque vie. Dans celle de Francis Lemarque, le basculement s’opère en 1946, juste après la guerre, alors qu’il n’a pas 30 ans. C’est à cette date que son ami Jacques Prévert lui présente celui qui allait devenir son interprète le plus emblématique, Yves Montand. Ce dernier chantera de nombreux airs de LemarqueMa Douce Vallée, Je vais à pied, et surtout À Paris, en 1949. Le soleil qui part en goguette, le vent qui musarde dans les rues des beaux quartiers, la Seine dont les touristes tombent amoureux… À travers cette fusion utopique entre les éléments naturels et urbains, Lemarque parvient à capter la renaissance de la capitale française après les années noires de l’Occupation. Il met de la lumière, de la couleur, un souffle sur un paysage qui s’était assombri. Comme une catharsis, ses chansons appuient non pas là où ça fait mal mais là où ça fait du bien, en célébrant la joie, l’enfance, la rêverie, et naturellement, le refus de la guerre.

Si Lemarque est un auteur-interprète qu’on aime à danser et fredonner, il faut chercher un début d’explication dans son enfance à Bastille, dans le quartier des bals musette. Celui qui s’appelait encore Nathan Korb naît en effet au 51 rue de Lappe, le 25 novembre 1917, d’une mère lituanienne et d’un père juif polonais tailleur pour dames. Sous la fenêtre du modeste deux-pièces de la famille Korb se trouve le bal des Trois-Colonnes, que le petit Nathan observe d’abord de loin, avant de s’y aventurer quelques années plus tard. C’est véritablement en flânant le soir et une partie de la nuit dans son quartier qu’il commence à exercer son oreille musicale. On retrouve les fondamentaux des bals parisiens dans beaucoup de ses chansons, à commencer par le rythme de valse, dont il est particulièrement friand (Marjolaine, Rue de Lappe). Les bals, c’est aussi le lieu où l’on rencontre (ou rêve de rencontrer) l’amour de sa vie. Le mythe de l’amour unique, c’est ce que célèbrent des chansons comme Toi tu ne ressembles à personne et Tu s’ras ma mie.

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