Signum Records

Le contre-ténor britannique Iestyn Davies chante aujourd’hui dans le monde entier grâce à un talent suscitant l’admiration tant à l’opéra qu’au concert ou en récital. Reste à savoir si le cycle de Schubert correspond vraiment à la tessiture d’une voix de « falsetto ». La question est cependant vite balayée par l’interprétation qu’en donne Iestyn Davies, remarquablement soutenu par le piano éloquent et attentif de Joseph Middleton, épousant les moindres intentions du chanteur. Glissant peu à peu de l’espoir à la mélancolie morbide, les deux musiciens épousent à la fois les textes de Wilhelm Müller et la musique d’un Schubert de vingt-six ans déjà atteint par une maladie vénérienne incurable qu’il tente de cacher. Il porte perruque pour cacher la chute de ses cheveux due à la maladie et met à profit ses fréquents séjours à l’hôpital pour écrire, dans un état d’esprit proche de la dépression qui ne le quittera plus guère, Die schöne Müllerin, son premier cycle de Lieder. Nous sommes en 1823. Schubert le sensuel insouciant fait place à un Schubert qui ne se fait plus guère d’illusions quant à l’issue de sa vie et de sa mort, plus ou moins prochaine. Cette douleur intérieure semble être au cœur de la conception de Iestyn Davies et de Joseph Middleton : leur vision est particulièrement touchante. Publié par l’excellent label Signum dans le cadre de la collection développée en partenariat avec le St. John’s College de Cambridge, cet enregistrement couronne les études qu’Iestyn Davies fit dans cette institution, depuis ses débuts en tant que stagiaire en 1987 avant qu’il ne gravisse toutes les étapes du cursus pour devenir chef de chœur et chanteur à part entière. © François Hudry/Qobuz

Avec son inventivité mélodique, son côté fantasque et romanesque comme sa virtuosité, The Flat Consort représente un véritable apogée au sein du catalogue de Matthew Locke, ce grand maître du baroque anglais, prédécesseur de Henry Purcell dont il encouragea probablement la vocation musicale. Formé à la cathédrale d’Exeter, le jeune Locke grave son nom dans la pierre entourant l’orgue. C’est ce graffiti, encore visible de nos jours, qui orne la couverture du présent enregistrement de l’ensemble Fretwork qui fête son trente-cinquième anniversaire avec ce nouvel album enregistré à Cambridge en mai 2021. Compositeur pour la scène, Matthew Locke écrit des « masques », ces divertissements typiques de la tradition anglaise célébrant des évènements particuliers et qui comportaient des danses, de la poésie et des chants. Il travaille aussi avec les personnalités les plus éminentes de la société musicale londonienne. Outre sa musique dramatique, il laisse plusieurs volumes de musique sacrée et une abondante production de musique pour consorts de violes. Les cinq suites du Flat Consort, « for my cousin Kemble », comme indiqué par l’auteur, emploient une instrumentation variée qui fait appel non seulement aux différentes violes, mais également au clavecin (Silas Wollston), à l’archiluth et au théorbe (David Miller). Le Flat Consort représente à la fois le bouquet final et le sommet d’une grande tradition née cent-cinquante ans auparavant. Encore peu connues et rarement enregistrées, ces suites sont ponctuées dans cet enregistrement par les quatre Duos pour deux violes de gambe sans accompagnement, austères et d’une mélancolie propre au XVIIe siècle finissant. Il est à espérer que ce bel enregistrement sonne le début de la réhabilitation des œuvres pour consort de Matthew Locke. © François Hudry/Qobuz