The Whole Love (Deluxe Version)

Chronique

Le nouveau et huitième album de Wilco, enregistré pour le compte de leur label nouvellement créé, dBpm Records, dans la banlieue nord de Chicago, est précédé d’une intimidante déclaration d’amour d’une cohorte de fans journalistes, déplorant que le groupe de l’Illinois continue à distiller de supposées gemmes dans l’indifférence polie de l’Hexagone. Rappelons à toutes fins utiles qu’à l’échelle mondiale, cela constitue le triste et mécanique sort réservé au rock classieux, comme au folk et à la country.

Nuance d’importance : surfant sur le succès commercial de l’album homonyme précédent (Wilco: The Album, 2009), et co-produit par le patron du combo Jeff Tweedy, ce nouvel opus peut s’autoriser quelques audaces (la saturation d'« Art of Almost » en ouverture, la pop acoustique de « I Might » (single en avant-garde) et son sample surréaliste du « TV Eye » de The Stooges, vite pervertie par un bourdon tellurique, sur fond d’orgue tex-mex circa Sir Douglas Quintet) sans pour autant détourner de Wilco son audience traditionnelle.

Au-delà de ses déclinaisons pour Route 66 au bitume encore frais, on retrouve le folk innervé qui a fait la réputation du groupe (jusque et y compris dans son caractère le plus extrémiste et farouche dans la méditation, ici symbolisé par les dix minutes et plus de « One Sunday Morning »). Surnommée le « Radiohead américain », Wilco conserve la capacité de mêler dans une même chanson une ambiance extrêmement urbaine, des racines franchement sudistes et campagnardes, et un intérêt pour les musiques non occidentales, en particulier africaines, même si dans ce Yalta musical, les Américains parviennent talentueusement à faire cohabiter une pop assez intransigeante et des ambiances parfaitement illustratives, tout à fait languides.

La saveur du propos reste, naturellement, qu’on ne se situe pas ici dans un quelconque plan quinquennal visant à balayer l’entièreté des facettes de la musique électrique pour jeunes, mais que le tout s’est construit, dans la spontanéité et dans le plaisir de la découverte. Ce qui permet d’enchaîner un folk-rock brinquebalant, un psychédélisme tempéré (« Sunloathe ») et un rock de plaisir. Avec The Whole Love, Wilco compile esprit d’aventure et audace, grâce et énergie : autant convenir que cet album constitue l’un des meilleurs de la discographie.

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