Amazônia

Chronique

Quarante-cinq ans après Oxygène, Jean-Michel Jarre revient à la frontière de l’artistique et de l’écologique avec ce nouvel album consacré au poumon de la Terre, l’Amazonie. Il s’agit de la bande-son composée pour l’exposition Amazônia du photographe brésilien Sebastião Salgado, qui sera inaugurée en mai 2021 à la Philharmonie de Paris. Salgado y présente plus de 200 photos et vidéos tirées de ses six ans passés dans la région, sous l’angle de la relation entre l’humain et la biodiversité. Un travail impressionnant qui représentait un défi à mettre en musique pour Jarre. “Il s’agissait de ne tomber ni dans une approche purement scientifique ou ethnomusicologique, ni dans une simple musique d’ambiance, explique-t-il. J’ai donc établi une sorte de boîte à outils, contenant des éléments musicaux, qu’ils soient orchestraux ou électroniques, destinés à recréer ou évoquer le timbre de sons naturels, auxquels sont venus s’ajouter des sons issus de l’environnement et enfin des sources humaines (voix, chants, instruments) issues des archives du musée d’Ethnographie de Genève.”

Visiblement inspiré par le sujet, Jarre signe ici un de ses meilleurs disques, que ce soit en termes de cohérence, de concept ou d’idées. Grâce à la technique l’enregistrement binaural, qui permet une restitution ultra-précise du son dans l’espace, il propose de longues pièces de huit ou neuf minutes aux limites de la transe, comme l’ouverture Amazônia, Pt. 1, tout en cordes et percussions, avec nappes de synthés orageuses dans le fond et bruits de la forêt tout autour. Sur Amazônia, Pt. 2, c’est un beat techno lointain qui nous guide dans une forêt étouffante, tandis que la Pt. 3 prend une tournure ethno-trance enivrante sur la fin. Si Jarre penche souvent du côté de la musique concrète sur ce disque, il signe aussi quelques boucles savoureuses entre techno et ambient. Un sillon à creuser. © Smaël Bouaici/Qobuz