The Only She Chapters

Chronique

Avec son précédent album Everything She Touched Turned Ampexian, Prefuse 73 s’était amusé à semer l'auditeur parmi un dédale de titres qui tournaient rapidement courts. Une parfaite transcription de l’art du collage qu’il manie à merveille dans l’utilisation des samples.

Quoique largement influencé par l’electronica déviante, une certaine trame hip hop était toujours présente. The Only She Chapters poursuit cette mutation vers des territoires plus abstraits, désormais presque vierges de tout rythme binaire. Prefuse 73 compose le psychédélisme du XXIème siècle.

Il est même difficile à la première écoute d’attribuer cet album à son producteur. La superposition de samples en couches successives dès « The Only Recollection of Where Life Stopped » rappelle en tout cas, la faculté de Guillermo Scott Herren à en jouer comme d’un instrument. D’autant plus déroutant que d’emblée, le rythme binaire montre des signes de lassitude et libère presque tout l’espace à des sources sonores dont on ignore parfois l’origine. Une rythmique réduite à la portion congrue, étonnant pour celui qui dès ses premiers albums avait su donner un nouvel élan au hip hop !

Avec The Only She Chapters, Prefuse 73 prolonge son entreprise de brouillage de pistes commencée sur Everything She Touched Turned Ampexian. Le découpage de morceaux semble presque anecdotique au final car cet album forme un tout. Un ensemble qui s’écoute d’un bloc, pas comme une sélection de mp3 vaguement playlistés. C’est le retour du plaisir d’écouter un album de bout en bout, comme un vieux vinyle. Le plaisir de se laisser guider, de se perdre aussi.

Musicalement, on retrouve des fortes influences psychédéliques dont le traitement électronique n’est pas sans rappeler ses amis de label de Boards of Canada. Il partage avec eux ce goût de l’ambient éthérée, entre l’onirique et le chimique. La musique concrète est aussi très présente dans l’apport de sources sonores « exotiques ». Cet effet hallucinogène atteint son paroxysme sur le morceau « The Only Repeat » qui achève le trip sans effet de descente.

Ce n’est certainement pas son album le plus accessible, comme l’étaient ses premières productions hip hop, cependant c’est clairement à présent qu’il s’exprime le plus librement. Artistiquement perché, mais avec l’assistance de Warp qui a l’habitude d’y faire, Prefuse 73 adresse un album dense qui libère d’intenses effets après quelques écoutes.
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