Caibu

Chronique

Parmi les artistes les plus intéressants du paysage techno mondial, Paul Rose, sous son alias Scuba, a coché à peu près toutes les cases pour faire de lui un des grands noms de la scène – une compile DJ-Kicks!, une autre pour Fabric, un disque pour le label de référence Ostgut Ton et des sets en pagaille au Berghain, le temple de la techno berlinoise. Patron du respecté label Hotflush Recordings (fer de lance de la vague dubstep lors de la décennie précédente), le voici de retour avec son alias SCB, qu’il avait mis au placard depuis 2013. SCB s’est repointé dans les bacs à l’automne 2017 avec l’EP Below the Lines, suivi les mois suivants par Old Media New Society et Engineered Morality. Trois maxis de quatre titres rassemblés sur cet album de douze plages, Caibu, le compte est bon.

Ces douze titres servent de support narratif à l’histoire d’un monde complètement ruiné après un désastre climatique majeur. De la science-fiction qui se rapproche à grands pas, et qui a poussé l’Anglais à la réflexion. “J’ai passé beaucoup de temps cette année à réfléchir aux différentes voies que nous pourrions suivre au cours des prochaines décennies, dont beaucoup semblent se diriger vers des scénarios catastrophiques. L’une des choses qui m’intéresse le plus est d’observer le cheminement de la conscience qui conduit les gens à agir à l’inverse de leur propre morale politique.” Scuba entraîne donc l’auditeur dans un voyage dans un futur proche apocalyptique, et les immeubles recouverts de sable de Mad Max sur le premier morceau, Test Tubes, véritable prise au corps avec cette basse qui fait des nœuds dans le plexus. Bone s’enfonce jusqu’aux os, tandis que Manufactured Consent démarre par une voix d’intelligence artificielle suivie d’une tornade de basses qui doit faire très mal sur le dancefloor du Berghain.

Le périple touche à sa fin avec le morceau titre Caibu, une procédure chirurgicale imaginaire qui permet d’augmenter les capacités cognitives, et enfin la paix sur Into Consciousness, qui évoque d’abord la bande-son d’un cerveau en action avant une renaissance sur quelques notes de claviers éthérées, comme un espoir que tout ne sera pas toujours si noir. © Smaël Bouaici / Qobuz