The Raging Wrath Of The Easter Bunny Demo

Chronique

En voilà une surprise ! Mr. Bungle, groupe le plus givré et imprévisible des années 90 emmené par l’iconoclaste Mike Patton, refait parler de lui. Quel menu va donc nous servir cette fabuleuse formation plus de vingt ans après son dernier album en date ? Du jazz-core, de la polka-metal, de la heavy techno ou de la surf music saturée pour crooner déluré ? Rien de tout cela. Car ça, c’était avant. Rectification : c’était après. On vous explique la subtilité du propos. Avant de se faire connaître grâce à ses choix fantaisistes ayant donné naissance à des morceaux aussi improbables que totalement géniaux distillés à travers trois albums, Mr. Bungle était un groupe… de thrash. The Raging Wrath of the Easter Bunny est le nom de la première démo du gang, enregistrée en 1986 alors que ses membres étaient encore en pleine adolescence, des hormones à ras les amplis. Sortie à l’époque en K7, cette collection de huit morceaux deviendra culte pour son côté rare et historique.

Pour le reste, c’est une autre limonade. Enregistrée avec les moyens du bord, elle délivre un son à la limite de l’audible et des chansons flirtant avec le death et le black metal par leur côté extrême. La production (pour peu qu’on puisse parler de production) laisse traîner un souffle permanent presque aussi envahissant que le son des guitares. Ça hurle, ça éructe, ça grince mais c’est aussi sauvage que spontané. Ce sont ces chansons que la mouture 2020 du groupe californien a décidé de sortir de la cave pour les enregistrer avec le son (et une maîtrise du registre) qu’elles méritent. Du combo givré d’origine ne restent que trois membres, Mike Patton, Trey Spruance et Trevor Dunn. Deux musiciens VIP les rejoignent : Dave Lombardo (Slayer, Suicidal Tendencies…) et Scott Ian (Anthrax, S.O.D.). Un vrai all-star band du metal ! Il fallait bien une telle équipe de choc pour transcender les chansons qui remontent à l’époque du Reign in Blood de Slayer (dans lequel jouait Lombardo) et du Master of Puppets de Metallica.

La cuvée de The Raging Wrath of the Easter Bunny est aussi sauvage que l’originale, mais mille fois plus puissante et autrement mise en place. Les chansons s’enchaînent à vitesse grand V et vous mettent une baffe en pleine poire. La liste passe à 11 titres, les petits ajouts comprenant une reprise de S.O.D. (coucou Scott Ian) en espagnol, Habla Español O Muere, hilarant détournement de son Speak English or Die, et une autre de Corrosion Of Conformity (Loss of Words). Le reste de l’album est pour ainsi dire tout le temps dans le rouge, délivrant un thrash tranchant et brutal qui laissera vos tympans rejoindre vos dents tombées au sol après la première écoute. Est-ce pour autant du Bungle ? Bien entendu ! Moins schizophrène que sur les trois albums connus jusqu’alors, mais suffisamment barré dans sa manière jusqu’au-boutiste d’aborder la musique. Et puis, si on est adepte de l’esprit perché du groupe, on comprend la démarche. Mieux, si on est fan de Mike Patton et de ce qu’il a pu enregistrer de plus extrême, on appréciera ce disque comme on a pu jubiler à l’écoute de Fantômas, groupe qui comptait dans ses rangs… Dave Lombardo et Trevor Dunn ! L’album de thrash le plus cinglé de ces dernières années par le groupe le plus cintré du rock depuis Zappa. © Chief Brody/Qobuz