Déjà vu (Remixes)

Chronique

Hansjörg Moroder, alias Giorgio Moroder, est l'un des pionniers emblématiques de la dance music contemporaine. En plein bouillonnement disco, le moustachu italo-germanique, armé d'un mur de synthétiseurs, mariait le feu et la glace, les rythmes rigoureux et les voix soul pour concevoir des tubes à la « I Feel Love » de Donna Summer. Le format allongé de ses morceaux, les basses hypnotiques dessinaient le jalon esthétique de la musique de club, influence revendiquée par des générations d'artistes, de Madonna à New Order, en passant par David Guetta, Lady Gaga et Daft Punk.

Longtemps impliqué dans la production (David Bowie, Elton John, Sparks, Blondie, Philip Oakey de The Human League) et la composition pour Hollywood (oscarisé pour les B.O. de Midnight Express, Flashdance et Top Gun), Giorgio Moroder a attendu de fêter ses 75 ans avant de présenter Déjà-Vu. Le grand-père du disco doit-il encore prouver quelque chose ou veut-il simplement s'amuser ?

Le titre de l'album est une façon malicieuse de répondre à la question en assumant l'idée de « déjà entendu ». Ne dit-on pas qu'un morceau parfait doit comporter quelques réminiscences ? De là à servir du réchauffé, la nuance est parfois ténue.
Fidèle à sa conception de l'album solo, Giorgio Moroder compose chacune de ses musiques en imaginant une potentielle collaboration vocale. Lui qui est également chanteur préfère convoquer les voix qui le font fantasmer. On trouve donc sur cette collection « printemps/été 2015 » les invités Sia, Charli XCX, Mikky Ekko, Kylie Minogue, Matthew Koma, Kelis, Foxes, Marlene et, surprise du chef, Britney Spears sur une reprise étonnante du « Tom's Diner » de Suzanne Vega.

En guise d'ouverture, « 4 U With Love » résonne comme une bombinette de hi-NRG à rendre jaloux un jeune producteur comme Todd Terje. On reconnaît l'approche mécanique et néanmoins sensuelle du producteur. « Déjà-Vu », chanté par Sia sur une instrumentation classique des années 1970, violons staccato et lignes de basses rondouillardes à l'appui, provoque une faille spacio-temporelle. Moroder a t-il rencontré la chanteuse dans une autre vie, comme le laisse entendre ce morceau ? La suite du disque s'articule avec plus ou moins de réussite autour de cette notion de sonorités futuristes entrecoupées d'EDM sans relief ; « Diamonds » et ses samples désuets de la dictée magique, « Don't Let Go », « Tempted » ou « Right Here Right Now » (chanté par Kylie Minogue) sont tous plaisants mais manquent cruellement de panache. 

On retiendra surtout deux titres forts : « 74 Is the New 24 » et « La Disco ». Le climax total de « 74 Is the New 24 » porte la signature du vieux maître. C'est un manifeste grandiloquent avec ses voix vocodées, ses mélodies séquencées entêtantes et ses kitscheries semblables au thème de Midnight Express. La sensation s'amplifie sur le final « La Disco » où un robot chante, en français, une ode à la discothèque : « Nous avons toute la nuit pour nous » déclame cette incarnation artificielle de Giorgio Moroder, pour évoquer toute la dimension hallucinatoire et romantique de la club culture.

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