Martha Argerich
Il y a les rares bons pianistes, les nombreux pianistes moyens à médiocres, et Martha Argerich.
Née en 1941 à Buenos Aires en Argentine, cet électron libre de la planète pianistique — qui aurait été médecin si la musique ne l’avait autant tenaillée — n’a pratiquement rien fait comme les autres, et ne s’en porte pas plus mal. Aucune intégrale dans sa discographie pourtant imposante, un calendrier tellement fantasque que l’on affirme qu’elle ne signe jamais de contrat afin de ne pas avoir à s’encombrer de dédit contractuel — pour annulation (un trac parfois insurmontable peut en être la cause) ou changement de programme —, des cachets allant de zéro jusqu’à des sommes folles, un répertoire extraordinairement éclectique, et la fine fleur des solistes de son temps comme partenaires de musique de chambre — de Daniel Barenboim à Gidon Kremer : voilà quelques traits révélateurs de la personnalité indépendante, imprévisible, impétueuse et juvénile de Martha Argerich qui vit la musique comme une volupté — et la famille comme un milieu très ouvert avec trois pères (dont Charles Dutoit et Stephen Kovacevich) pour trois filles.
Mise dans les mains du redoutable pianiste italien Vincenzo Scaramuzza, Martha Argerich connaît le succès dès l’âge de sept ans quand elle donne son premier vrai concert au Teatro San Martin de Buenos Aires, où elle joue le Concerto n° 20 de Mozart et le Concerto n° 1 de Beethoven. Après avoir émigré en Europe à l’âge de 14 ans, elle comptera parmi ses mentors Friedrich Gulda à Vienne — le principal maître, qu’elle suivit pendant 18 mois —, Nikita Magaloff à Genève et Arturo Benedetto Michelangeli qu’elle alla trouver lors d’une crise de confiance à l’âge de vingt ans alors qu’elle était déjà une star internationale depuis des années. Certes, elle ne prit que quatre « leçons » avec le maestro italien mais sans doute cette rencontre fut-elle fondamentale puisqu’elle put rapidement retrouver le chemin des grandes scènes, des grands orchestres et des grands partenaires pour ne jamais plus descendre de son pinacle, mises à part quelques parenthèses de retraite et de silence.
Depuis des années, Martha Argerich s’entoure également de jeunes musiciens dont elle s’est fait l’égérie, dans sa grande demeure bruxelloise devenue une véritable pépinière de la relève. Oui, vraiment, une artiste inclassable mais, ô combien, extraordinaire.
© Qobuz (MT) – 11/2014
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