Chaque mois, la rédaction de Qobuz repère pour vous les sorties à ne pas manquer, dans tous les genres.

WORLD (Stéphane Deschamps)

La musique des mondes qui se rencontrent, c’est ce mois-ci Off the Grid, le second album d’Onipa, groupe anglo-ghanéen qui fusionne ses influences dans un maelstrom d’énergie tribale et futuriste. Tout aussi explosif mais plus rétro, Bixiga 70 est de retour avec Vapor, un album d’afrobeat brésilien haletant et soulful comme une BO de film d’aventures des années 70, évidemment. Pour se reposer un peu en restant sur l’axe des collaborations nord-sud, on peut compter sur Ya Mizolé, second album d’un groupe au nom charmant, Les Mamans du Congo, dont les chants traditionnels bantu s’accommodent très bien du travail du beatmaker Rrobin.

Pour se reposer encore plus, voire faire de beaux rêves, on peut compter sur le nouvel EP d’Anoushka Shankar, Chapter I: Forever, For Now, particulièrement planant. Et les musiques des mondes de France (au sens large), c’est ce mois-ci ces deux belles sorties d’artistes fséminines : iViV d’Oriane Lacaille et Wanda Pétrichor de La Móssa. Qu’elles viennent de La Réunion ou du Sud de la France, toutes en voix et percussions, ces femmes imposent leurs visions très personnelles des musiques traditionnelles.

MUSIQUES ELECTRONIQUES (Smaël Bouaici)

On commence le mois par une session de rattrapage avec le nouvel album du producteur français Simo Cell, Cuspide Des Sirènes. Paru sur son propre label Temet, il explore toutes les facettes de la bass music avec un sens de l’aventure inégalé : tout simplement le disque de musique électronique le plus intéressant de la rentrée. Le 6 octobre, c’était le producteur/explorateur parisien Molécule qui sortait son nouvel album RE-201, un disque enregistré entre Kingston et Paris. Il y invite des grandes voix du reggae comme Johnny Clarke, Big Youth ou les Congos, qu’il pose sur des productions tendance house French Touch, avec des collaborations avec Etienne de Crécy, Boombass et DJ Falcon. Un mix house et dub qui fonctionne très bien ! A ne pas manquer non plus ce mois-ci, la nouvelle livraison de l’inclassable artiste polonaise Hania Rani. Sur Ghosts, elle fait cohabiter sa voix, des synthés cosmiques et des invités de talent comme Patrick Watson, Ólafur Arnalds et Duncan Bellamy (de Portico Quartet). Un véritable trip aussi éthérique que thérapeutique.

CLASSIQUE (Pierre Lamy)

Le 6 octobre, Vikingur Ólafsson s’attaquait à un monument de la littérature pour clavier, les Variations Goldberg de Bach qu’il ne fallait surtout pas manquer chez Deutsche Grammophon. Le même jour, les Anglais de l’ensemble vocal Tenebrae ont fait paraître un magnifique disque consacré aux œuvres sacrées de Bach et MacMillan, à découvrir chez Signum. Le 13, ne manquez pas l’album Rachmaninov du russo-lituanien Lukas Geniušas. On ne passera pas non plus à côté de Christophe Rousset à la tête de son ensemble Les Talens Lyriques, qui poursuit son intégrale Lully et délivre une production de Thésée des plus marquantes. Le 13 toujours, le tandem formé par le théorbiste Thomas Dunford et la mezzo-soprano Lea Desandre revient avec Idylle délicieux opus explorant les mystères de l’amour à travers les époques.

Cap sur le Brésil le 20 avec le génial disque de Wilhem Latchoumia consacré à Villa-Lobos. On ne pourra pas non plus faire l’impasse sur le nouveau récital solo d’Isabelle Faust, ni sur le Stabat Mater de Poulenc par l’orchestre Les Siècles. Enfin, le 27, retrouvez la cheffe américaine JoAnn Falletta à la tête du Buffalo Philharmonic dans un programme Kodaly chez Naxos. Et le même jour, nos chouchous du Solem Quartet - auxquels nous avions décerné un Qobuzissime pour leur précédent album – raviront vos oreilles avec Painted Light, un bouleversant récital à cordes autour d’œuvres contemporaines.

BLUES/COUNTRY/FOLK (Stéphane Deschamps)

L’avenir des musiques roots américaines appartient-il aux Coréens ? Après la découverte il y a quelques mois de l’excellent bluesman Nat Myers et son album Yellow Peril, c’est le jeune Micah Thunder, lui aussi d’origine coréenne, qui magnifie la country sur son The Korean Cowboy. Dans un registre proche – country de lover dans des draps de soul –, Dylan LeBlanc enchante avec l’album Coyote. Lui aussi fait dans la finesse, mais en plus rustique, dans des draps en coton rugueux : sur Heat Comes Down, John R. Miller ressuscite Townes Van Zandt ou Blaze Foley.

Au rayon blues, avec beaucoup de rythme, de sueur et d’extase, on se jettera sur Hits and Misses, la compilation de raretés d’Eli Paperboy Reed, esthète du son 50′s à redécouvrir d’urgence. Et on garde le meilleur pour la fin : l’increvable Robert Finley revient avec Black Bayou, grand moment de soul rustique et de blues swampy.

REGGAE (Smaël Bouaici)

On commence le mois avec le légendaire chanteur jamaïcain Gregory Isaacs, décédé en 2010, dont le patrimoine musical est revisité par le producteur King Jammy, qui invite des stars du reggae comme Sean Paul, Shaggy, Alborosie, Jesse Royal ou Bounty Killer à reprendre ses plus beaux titres sur Rebirth of the Cool Ruler. Côté français, il ne faudra pas manquer le 27 octobre la sortie du nouvel album des producteurs de dub auvergnats de Dub Shepherds, Night and Day. Depuis leur grange au pied de la chaîne des Puys, ils ont concocté une douzaine de morceaux roots dans le plus pur esprit 70′s sur lesquels on retrouve la voix haut perchée du chanteur Jolly Joseph, toujours aussi magique. Clairement la sortie du mois !

Enfin, le collectif The 18th Parallel est de retour avec son nouvel album Prosperity. Habitué des allers-retours entre Genève et Kingston pour enregistrer les pionniers du reggae, les Suisses collaborent cette fois avec une des voix de la scène new roots de Kingston, Derajah, qui a fait ses armes au sein du collectif Inna De Yard – et ça s’entend.

CHANSON FRANÇAISE (Nicolas Magenham)

Projet initié par le producteur Emmanuel Mario, La Bibliothèque de la bergerie est une odyssée instrumentale évoquant à la fois les BO de François de Roubaix, les musiques électroniques minimalistes et l’univers sophistiqué de Stereolab. Ce qui donne un album enchanteur qui sortira le 6 octobre. La semaine suivante, on aura le plaisir de découvrir Appolo, le premier album du Bordelais Julien Grillet, alias Chien Noir. Celui qui a été nommé aux Victoires de la musique 2022 nous propose une pop introspective où se croisent ballades folk et chansons onirico-sentimentales, le tout dans une esthétique rappelant les années 1980. Dans une même veine mélancolique, le même jour sortira le nouvel album de Florent Marchet, intitulé Maisons Alfort. Il s’agit d’une compilation de ses meilleurs titres, arrangés dans des versions piano/voix. Un album intense qui retrace les 20 ans de carrière de ce raconteur d’histoires talentueux. Toujours le 13 octobre sortira le nouvel opus de L, alias Raphaële Lannadère (Cheminement). Un 5e album rempli de chansons chaleureuses et libres, portées par une voix envoûtante.

Dans un tout autre style, le 20 octobre sortira l’album live d’une ancienne star du yé-yé, Sheila. Enregistré en 2022 au Cirque royal de Bruxelles, ce double disque est un témoignage de sa tournée anniversaire pour ses 60 ans de carrière. On y trouvera de nombreux tubes des années 1960, mais aussi de sa période disco, ainsi que des chansons plus récentes. Trois jours plus tard, on aura le plaisir de découvrir la réédition de la musique du film Yentl de Barbra Streisand, composée par Michel Legrand en 1983. Les amoureux de cette comédie musicale mettant en scène une Streisand grimée en homme seront comblés par le nombre impressionnant de bonus qu’il contient.

RAP (Brice Miclet)

Le rap américain semble entrer en éruption en ce mois d’octobre. Après la sortie du nouvel album de Drake, For All the Dogs, faisant office de blockbuster mensuel, la vieille garde sait également faire parler la poudre et chambouler les conventions qu’elle a contribué à établir. DJ Shadow, tout d’abord, qui publie son huitième album, Action Adventure. Une dilution du hip-hop dans des formats pop électroniques surprenants, entrecoupée de samples totalement glitchés et malmenés, très aériens. Mais aussi Mike Skinner, tête pensant du projet anglais The Streets, dont l’album The Darker the Shadow, the Brighter the Light est une magnifique plongée dans des errements synthétiques, surmonté d’un rap proche du spoken word, émotif au possible, et bande originale d’un film à paraître en parallèle. Retour aux USA avec le grand Chief Keef, qui sort Almighty So 2, conçu comme une suite du premier volet paru à sa grande époque, en 2013. Drill, trap et flows ravageurs au menu. Enfin, Earl Sweatshirt s’associe à The Alchemist pour Voir Dire, album faussement nonchalant, défait de la rigidité des formats, délaissant les refrains, privilégiant le rap et l’essentiel, quand le duo Shabazz Palaces revient avec un mini-album fabuleux intitulé Robed in Rareness, sombre et innovant comme il faut.

En France, la légende Akhenaton s’associe à un autre esthète du rap, Veust, toujours aussi enclin à dénoncer frontalement l’ordre établi sur cet album commun et foisonnant, Monopolium, enchaînant les instrus martiales comme celle de l’excellent Boîte de Pandore, ou taillées dans la soul-jazz sud-américaine à l’image de Chanson de l’année. Une double démonstration.

JAZZ (Stéphane Ollivier)

C’est la délicate et mystérieuse chanteuse belge Mélanie De Biasio qui donne le ton de ce riche mois d’octobre, en proposant avec son nouveau disque Il Viaggio une sorte d’autofiction à la fois intimiste et expérimentale interrogeant ses racines familiales aux confins de l’ambient, de la musique concrète et de la musique improvisée. Dans une veine tout aussi sophistiquée et atmosphérique, le trompettiste norvégien Nils Petter Molvær plonge dans Certainly of Tides la mélancolie cotonneuse de sa trompette dans l’écrin orchestral hybride imaginé par le producteur Jan Bang de la rencontre entre le Norwegian Radio Orchestra et une pléiade de sound designers.

Autre trompettiste au style minimaliste et délicieusement vocalisé, Erik Truffaz revient avec Clap !, sur le modèle de son précédent disque Rollin et avec la même équipe, pour une série de thèmes empruntés au monde du cinéma. Dans un registre plus jazz et lyrique, le contrebassiste Henri Texier vient conclure avec An Indian’s Life une sorte de trilogie phonographique informelle débuté en 1993 avec An Indian’s Week et poursuivie en 2016 avec Sky Dancers — faisant de la cause amérindienne et, au-delà, de la figure quasi-mythologique de l’« Indien », à la fois la matrice imaginaire et le moteur poétique de son geste artistique.

Côté américain, le nouveau disque du batteur Mike Reed The Separatist Party offre une plongée au cœur de l’effervescente scène jazz expérimentale de Chicago, tandis que Uncle John’s Band de John Scofield est une passionnante ballade en trio du guitariste dans la riche et éclectique tradition musicale de son pays, à travers notamment la reprise de quelques grands classiques du rock signés Grateful Dead, Bob Dylan ou Neil Young. Enfin, la virtuosité et l’ineffable joie de jouer du pianiste et claviériste Chick Corea, disparu en 2021, nous seront restituées avec un nouvel album de son Elektric Band The Future Is Now présentant près de deux heures inédites du groupe au meilleur de sa forme lors de sa dernière tournée en 2016 et 2017.

SOUL / FUNK / R&B (Brice Miclet)

En 2019, l’album éponyme des Black Pumas avait remporté l’adhésion critique avant d’être auréolé d’un Grammy Award, certainement porté par l’indéboulonnable single Colors. Leur deuxième album était donc très attendu. Voici donc Chronicles of a Diamond, batteries sèches, orchestrations de cordes majestueuses, définitivement live, sublimé par la voix haut perchée du chanteur Eric Burton. Le premier titre, More Than a Love Song, annonce les couleurs, nombreuses, qu’elles soient sudistes sur Mrs. Postman ou nébuleuses sur Hello. Dans une tout autre esthétique, la Suissesse à la voix d’or, Priya Ragu, révélée en 2021 grâce à son album damnshestamil, livre son second long-format, Santhosam, totalement débridé, sculpté dans les musiques électroniques et les arrangements cuivrés.

Coup de cœur : entre poésie, soul et spiritualité, le nouvel EP du chanteur anglais Elmiene, intitulé Marking My Time, est un petit bijou. Les sonorités frôlent l’abstract et l’électronique industrielle, enveloppées par une voix apaisante et superbement maîtrisée. Elmiene défiche la nu-soul, y injecte une dose de tradition politique et sonore, tout en tournant le genre vers l’avant. A ne pas manquer.


ROCK & ALTERNATIF (Charlotte Saintoin)

Au-delà des poids lourds ultra attendus que sont Roger Waters pour son redux de The Dark Side of the Moon et les Rolling Stones avec Hackney Diamonds, on s’attardera sur des perles plus discrètes : le second disque de l’Australienne Maple Glider, trésor de pop-folk romantique entre Alice Phoebe Lou et Weyes Blood, et celui, pétri de rock expérimental et de voix étranges, du duo norvégien Lost Girls. Le 13, Jonathan Pierce (The Drums) retrouve la formule de son indie pop jubilatoire pour l’excellent Jonny, parmi ses meilleurs, tandis que les princes de la surf 60′s californienne Allah-Las sortent de leurs sentiers battus avec le plus rugueux Zuma 85. Mais le virage le plus inattendu et maîtrisé, c’est celui des King Gizzard & The Lizard Wizard, le 27, avec Silver Chord. Un disque bien perché, tous synthés dehors, à contrepied de leur dernier album heavy. Plus orienté dancefloor que mosh pit en somme.

Côté dream pop, Jack Tatum alias Wild Nothing, toujours chez Captured Tracks, offre des mélodies très sensuelles gorgées de saxophone dans Hold. A ne pas manquer non plus, à l’opposé, God Games, l’hypnotique sixième album du duo garage formé par Alison Mosshart et Jamie Hince, The Kills, enregistré dans une église et produit par Paul Epworth (Lana Del Rey, Babyshambles, Paul McCartney).

METAL/ROCK (Maxime Archambaud)

Dès le 6 octobre, The Weight of the Mask des Anglais de Svalbard lance ce mois d’octobre qui s’annonce extrême. Le groupe emmené par Serena Cherry et Liam Phelan offre un disque inspiré toujours à la lisière d’un black metal bien grimé qui fait son effet. Les amateurs de satanic doo-wop peuvent se réjouir, puisque Twin Temple revient avec God Is Dead le 13 octobre, date à laquelle Beartooth sortira aussi son nouvel album The Surface. Le 20 octobre, ce sera le gros embouteillage du mois avec les arrivées respectives de One More Time (bientôt disponible) de Blink-182, Dark Parade de Cirith Ungol, Lighthouse de Duff McKagan, Lightbringer des Rival Sons mais aussi et surtout Bleed Out de Within Temptation. On terminera le mois tout en douceur avec l’album de Noël Christmas Classics New & Old de Mark Tremonti, idéal pour commencer à préparer la fin d’année.