Chaque mois, la rédaction de Qobuz repère pour vous les sorties à ne pas manquer, dans tous les genres.

CLASSIQUE (Pierre Lamy)

On a commencé le mois avec une commémoration, et non des moindres ! Le 1er avril marquait le 150e anniversaire de Rachmaninov, et pour l’occasion, il ne fallait pas manquer l’enregistrement de sa Symphonie n°2 et l’orchestration de son célèbre Prélude pour piano en do dièse mineur enregistrés par John Wilson et le Sinfonia of London pour Chandos. Côté musique contemporaine, hors de question de faire l’impasse sur trois sorties majeures : le Colin Currie Group et sa splendide interprétation de Music for 18 Musicians de Steve Reich, le Dante de Thomas Adès servi par le LA Philharmonic sous la baguette de Gustavo Dudamel, et les Eaux célestes de Camille Pépin par l’Orchestre national de Lyon et Ben Glassberg.

Les amateurs de musique chorale apprécieront le retour des prolifiques et impeccables Voces8 pour une collaboration au sommet avec le compositeur américain Eric Whitacre – leur bouleversant album Home paraît chez Decca le 14 et vous pourrez retrouver l’octuor en interview dans notre magazine d’ici quelques jours. Côté voix toujours, on note le récital d’Iestyn Davies Divine Music et la pharaonique production Roméo & Juliette de Warner avec une distribution cinq étoiles : Joyce DiDonato, Cyrille Dubois... Honneur est fait également à la musique ancienne, avec de nombreuses et admirables sorties qu’on ne pourrait citer de façon exhaustive. Mais retenons tout de même le Byrd 1589 de Fretwork, ou les Coronations Anthems d’Handel par le prestigieux RIAS Kammerchor.

MUSIQUES ELECTRONIQUES (Smaël Bouaici)

Les amateurs de musiques électroniques peuvent se frotter les mains avec un mois d’avril très fourni : le retour d’Everything But The Girl vingt-cinq ans après, avec un nouvel album, Fuse, qui s’annonce plein d’émotions synthétiques. Nostalgie aussi avec l’EP Joy Universal de Louie Vega, la moitié de Masters At Work, qui ressuscite l’âge d’or de la deep house en compagnie d’un autre monstre sacré du genre, Joe Claussel. On n’oublie pas non plus les Pet Shop Boys, qui ont annoncé des inédits en avril après Living in the Past, leur chanson dédiée à Poutine en début d’année.

Enfin, côté francophone, il ne faut pas manquer l’album Back to 123 de l’hypnotique Montréalaise TDJ, qui acte le retour des sons eurodance dans l’électropop, ni la compilation du collectif LGBT parisien Barbieturix, qui met en avant une vingtaine de jeunes productrices pour ce qui ressemble au futur de la scène électronique française.

CHANSON FRANÇAISE (Nicolas Magenham)

Le mois débute avec fracas avec le premier album de la nouvelle sensation Zaho de Sagazan, qui nous plonge dans son univers pétri de mélancolie, d’hypersensibilité et de liberté absolue, le tout baignant dans une musique électronique aussi dansante qu’émouvante. Après trois albums sortis sous le nom de Liz Cherhal, la sœur de Jeanne revient avec un nouveau patronyme qui symbolise son récent changement de vie (un mariage, ainsi qu’un désir de reprendre l’orthographe de son prénom de naissance). Les Réalités est un album d’équilibriste, Lise Prat-Cherhal étant une experte dans le dosage entre humour décalé et émotion, le tout enrobé d’une voix toujours aussi pure.

Qui aurait pensé que Philippe Katerine avait l’étoffe d’un Pygmalion façon Gainsbourg ? C’est pourtant le cas avec le premier album de son ancienne choriste Clair, écrit, composé et produit par l’interprète de La Banane. Poésie, folie douce et autodérision ponctuent cet album qui fait l’apologie du pull mohair et de l’effet ralenti. On aime aussi l’EP de la formation de pop psychédélique Moodoïd, cinq duos sensuels et oniriques avec cinq chanteuses de cinq pays différents.

WORLD (Stéphane Deschamps)

Edition spéciale instrumentistes d’exception, avec d’abord les Mexicains Rodrigo y Gabriela, qui, depuis plus de vingt ans, donnent le tournis avec des duos de guitares jouées plus vite que l’éclair. Leur nouvel album, In Between Thoughts... A New World, est encore une performance, comme de la musique ambiante sous amphétamines. A l’autre bout du monde, en Australie, le duo Xylouris White (George Xylouris au luth et Jim White à la batterie) poursuit son entreprise de dynamitage de la musique traditionnelle grecque sur The Forest in Me. En France, Dom La Nena revient à l’essence de son instrument, le violoncelle, sur un album qui porte son petit nom, Leon.

Mais le trésor inestimable du mois, c’est Jerusalem, un nouvel album d’enregistrements rares d’Emahoy Tsegué-Maryam Guèbrou, religieuse et pianiste éthiopienne au style absolument unique, entre Satie et Monk (pour faire court). Elle a très peu enregistré dans sa vie, et elle est décédée le 27 mars 2023 à l’âge de 99 ans. Cet album est l’occasion de la découvrir, et de ne jamais l’oublier.

RAP (Brice Miclet)

Qui a dit que Chief Keef était fini ? Après son excellent album 4NEM paru en 2021, le boss de la drill de Chicago prouve une nouvelle fois qu’il s’inscrit bien dans la durée avec Almighty Slo 2. Dans un tout autre genre, le producteur Leon Michels (Sharon Jones, Charles Bradley…) et le rappeur Black Thought, le MC de The Roots, publient un album terrible, Glorious Game, une bastos east coast fondue dans la noirceur empruntée à J Dilla, dans un superbe groove accompagnant une forme d’urgence sonore. A ne pas manquer. Originaire de Virginie, le rappeur atypique Fly Anakin sort quant à lui un nouvel album produit par Mike Foisey, Skinemaxxx (Side A). Au programme, beats apaisés, vaporeux, et un rap sinueux qui traverse des genres et les sous-genres avec une sacrée dextérité, notamment sur les titres Sudden Death ou le sensuel Bonnet Music.

En France, l’esthète des mots Lucio Bukowski, adepte des albums collaboratifs, s’associe avec le beatmaker Lionel Soulchildren pour l’album Et le prestidigitateur ivre manqua son tour. Déjà auteur d’un album en duo en 2017, ils explorent cette fois les orchestrations de cordes, des ritournelles rap propices à l’expressivité et à l’aspect frontal et poétique du rap de Lucio Bukowski.

REGGAE (Smaël Bouaici)

Après Radiodread ou Dub Side of the Moon, les All-Stars du label new-yorkais Easy Star continuent de faire skanker les classiques du rock avec cette fois le Ziggy Stardust de David Bowie, devenu Ziggy Stardub. Côté français, Tiwony fête ses 25 ans de carrière avec l’album Frequency, rempli de featurings de poids dont Balik de Danakil et Manudigital sur le single Quel Prix. Enfin, fin mars, la Jamaïcaine Aza Lineage a signé l’un des albums nu roots du printemps avec Kingston to Cali.

BLUES/COUNTRY/FOLK (Stéphane Deschamps)

Honneur d’abord aux femmes d’Amérique avec Bella White et Kara Jackson, qui incarnent deux versants presque opposés de l’americana. On passe pourtant sans peine de l’un à l’autre. D’abord Bella White, dont le Among Other Things sonne comme un classique country-folk oublié. Plus belle voix country depuis des lustres. Kara Jackson vient de la poésie, qu’elle déroule d’une voix androgyne sur Why Does the Earth Give Us People to Love, un premier album enraciné dans le folk mais qui bourgeonne dans la soul et la pop expérimentale. Captivant. Il faudrait lui présenter Sandra Nkaké, qui confirme avec Scars sa stature hors norme.

Le cow-boy du mois est un gringo : l’Espagnol Pedro De Dios, guitariste du groupe Guadalupe Plata, dont l’escapade solo Sol Y Sombra est une fantastique chevauchée dans le monde de la musique western et post-blues. Grand comme le canyon.

ROCK & ALTERNATIF (Charlotte Saintoin)

Il y en aura pour tous les goûts ! Une récompense Qobuzissime d’abord pour la sensation de la deep house Yaeji qui a sorti un premier long format très attendu le 7 avril, entre indie rock, R&B, deep house et jazz, sous pavillon XL Recordings. Une petite pépite qui va ravir les amateurs de feel good music. Le même jour, le trio Daughter faisait son grand retour avec Stereo Mind Game, dans une atmosphère trempée de shoegaze nébuleux. Les rockeurs américains. Wednesday ont, eux, sorti le très 90′s Rat Saw God, sous influence Pixies et Sonic Youth. Autre retour, celui des Britanniques Temples pour leur quatrième album, Exotico, parfait prélude à l’été avec ses ondes psychédéliques 70′s. Le 21 avril, avis aux amateurs de prog, puisque Jethro Tull embraye (après The Zealot Gene l’année dernière) avec RökFlöte autour de la flûte et du paganisme nordique dont le single Ginnungagap vous donnera un aperçu. A l’exact opposé, le trio punk américain Hüsker Dü publie des titres et des lives brut de décoffrage inédits. Toujours dans la catégorie retour de flamme, The National clôturent le mois sur un neuvième album très rock de stade - on aime ou pas -, avec des featurings cinq étoiles : Sufjan Stevens, Phoebe Bridgers et… Taylor Swift !

ROCK/METAL (Maxime Archambaud)

Avril 2023 sera intense avec le très attendu 72 Seasons de Metallica qui débarque le 14 avril. La bande à Hetfield revient avec un disque ambitieux, qui traite de sujets profonds. Entre-temps, on pourra se faire les dents sur le sauvage Interludium de Powerwolf ou l’hommage appuyé à Dio du gratteux virtuose Paul Gilbert. Le même jour que Metallica sortira le thrashy Scorched d’Overkill, une nouvelle orgie de décibels et de speed « dans ta face ». Les Anglais d’Enter Shikari proposeront quant à eux A Kiss for the Whole World le 21 avril, une expérience alternative audacieuse et typée. N’oublions pas Atum des Smashing Pumpkins, qui signent un retour honnête. On finit en beauté le 28 avril avec War Remains d’Enforced, pépite extrême qui risque de laisser quelques cicatrices.

JAZZ (Stéphane Ollivier)

Le mois débute en beauté avec la sortie simultanée des nouveaux opus de la harpiste Brandee Younger (Brand New Life) sur le label Impulse! et du saxophoniste ténor Walter Smith III (Return to Casual) sur Blue Note, deux disques de la maturité rendant compte de la diversité et de la richesse du jeune jazz afro-américain plus que jamais enclin à faire dialoguer modernités et traditions. Toujours en Amérique mais dans un registre plus cérébral et expérimental, le batteur, compositeur et producteur Mark Guiliana nous offre avec Mischief la suite très attendue de The Sound of Listening, paru en 2022 sur le même label Edition Records. Enfin le saxophoniste new-yorkais Ben Wendel (coleader du groupe Kneebody) signe avec All One un album ambitieux donnant toute la mesure de ses talents de compositeur et d’arrangeur dans une suite de pièces mettant à l’honneur un invité de prestige (de José James à Tigran Hamasyan en passant par Bill Frisell et Terence Blanchard).

Le jazz européen n’est pas en reste avec la parution du nouveau disque Blue Note du trompettiste Erik Truffaz (Rollin) revisitant avec lyrisme quelques grands thèmes du cinéma mondial ; le nouvel album en trio du très sophistiqué pianiste français Laurent de Wilde (Life Is a Movie) sur son propre label Gazebo ; et la dernière déclinaison en date du post-jazz hybride du pianiste Alfa Mist, fer de lance de l’effervescente scène britannique contemporaine, plus que jamais ouverte aux rythmes et sonorités de la sono mondialisée (Variables sur Anti-).

Enfin, cette fin avril voit le retour de la chanteuse Rickie Lee Jones pour son premier album résolument jazz, Pieces of Treasure, réalisé en compagnie de musiciens chevronnés comme le vibraphoniste Mike Mainieri ou le guitariste Russell Malone.