Boris Vian n’a pas seulement donné son nom à des établissements scolaires et des médiathèques. Il fut un artiste et créateur quasi complet, et la musique, qu’il composait, produisait, écrivait et parfois chantait, a rythmé sa vie fulgurante, conclue à l’âge de 39 ans dans une salle de cinéma en 1959. Pour fêter en fanfare les 100 ans de sa naissance, Qobuz vous propose une partition biographique.

Durant sa (trop) courte vie, Boris Vian fut, dans le désordre et parfois tout en même temps, chanteur, écrivain, trompinettiste de jazz, joueur de cor à gidouille (à 18 tours) et de guitare-lyre, inventeur, chroniqueur, scénariste, ingénieur, amateur de belles voitures, équarrisseur de première classe (diplômé du Collège de 'Pataphysique), moniteur d’auto-école (ou presque), peintre, compositeur, humoriste, imposteur, cardiaque, conférencier, savanturier, rédacteur en chef, traducteur, exempté du service militaire, directeur artistique, mauvais public au cinéma et sans doute beaucoup d’autres choses. En un mot : créateur, avec la musique au centre de son œuvre. Les premières traces enregistrées de Boris Vian musicien remontent à 1946. Il joue de la trompette sur un 78 tours de l’orchestre de Claude Abadie. Il en jouait déjà une dizaine d’années plus tôt, avec ses deux frères et des amis tous férus de jazz. C’est la période américaine de Boris Vian : la guerre est finie, le jazz est hot à Saint-Germain-des-Prés, Vernon Sullivan écrit des romans noirs qui ne se vendent pas mais font scandale.

Mais en 1950, Boris Vian, qui a le cœur fragile, arrête la trompette sur ordonnance médicale. Il se consacre alors, pour le versant musical de ses activités, à l’écriture de chansons. Futur compère musical, Henri Salvador est le premier à enregistrer un morceau écrit par Vian, C’est le be-bop en 1950. Boris Vian composera plus de 500 chansons, proposées à des interprètes qui, souvent, les refusent. Sur les conseils de Jacques Canetti, découvreur de talents, directeur artistique dans la maison de disques Phillips et patron du cabaret de Pigalles Les Trois Baudets, Boris Vian tente de chanter lui-même, tout en avouant ne pas savoir chanter. Le succès n’est pas au rendez-vous. Accompagné de son pianiste Jimmy Walter, il débute aux Trois Baudets. Mal à l’aise sur la petite scène du cabaret, ses chansons ne passent pas auprès du public, malgré le soutien d’une vedette comme Georges Brassens. Grâce à Jacques Canetti encore, Vian va enregistrer une dizaine de titres en tant que chanteur, parus sur deux disques en 1955, Chansons possibles et Chansons impossibles, vendus à 500 exemplaires à l’époque. Et puis, allez savoir pourquoi, Vian sort en 1955 le disque Nouveau Code de la route, dont il récite et chante les articles…

Comme pour son œuvre littéraire, le temps et la postérité se chargeront de transformer ces chansons en classiques : Je bois, Je suis snob, On n’est pas là pour se faire engueuler, Bourrée de complexes ou, bien sûr, Le Déserteur sont d’une modernité inouïe, subversive, trop en avance sur leur temps. Au point d’être censurée, dans le cas du Déserteur. La France des années 50 n’est pas prête pour la voix pâle, les textes existentialo-surréalistes et l’humour insolent de Vian. C’est Serge Gainsbourg, grand admirateur et protégé de Vian, qui finira par rendre populaire cette veine de chanson cruelle. C’est d’ailleurs avec Alain Goraguer, ami et arrangeur musical de Vian, que Gainsbourg enregistrera ses premiers disques. Et le tout premier, Du Chant à la une !, sonne vraiment comme un album perdu de Boris Vian.

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