Françoise Hardy fut l’un des fers de lance de la vague yéyé qui a envahi la France au début des années 1960. Et pourtant, ses rapports avec ce courant n’ont pas toujours été simples.

Certains artistes talentueux tutoient leur époque, tandis que d’autres, pourtant tout aussi talentueux, n’y parviennent pas. C’est dans la première catégorie que l’on rangera Françoise Hardy. La rencontre entre l’interprète de Message personnel et le courant yéyé est aussi mystérieuse et miraculeuse qu’un coup de foudre amoureux. Car rien ne prédestinait la jeune femme à être propulsée de la sorte sur le devant de la scène – en particulier de cette scène-là. Jusqu’à son premier succès, elle ne fait que poursuivre tranquillement son petit bonhomme de chemin, avec passion et engagement, mais sans le recours à une séduction exacerbée qui est conventionnellement associée à la fabrication d’une star. Mais n’est-ce pas justement cette distance qui a fait d’elle une star ? « Fuis-moi je te suis », dit le dicton. De par sa timidité et son émotivité excessive, Françoise Hardy a sans doute mis en place, inconsciemment, un système ingénieux qui a conduit à sa popularité exceptionnelle.

L’histoire d’amour entre la chanteuse et la musique a commence vers l’âge de 12 ans. Entre, d’une part, l’achat compulsif de partitions et de disques, et, d’autre part, sa passion pour la radio (elle découvre le rock’n’roll et la country sur Radio Luxembourg), elle devient une fan invétérée de musique, toujours à l’affût des dernières nouveautés. Ses goûts vont de Jacques Brel à Paul Anka, en passant par Elvis Presley et même Georges Guétary. Précoce, Françoise Hardy obtient son bac à 16 ans puis s’inscrit à la fac d’allemand à la Sorbonne. Mais du fait de ses deux années d’avance, elle s’accorde le droit de consacrer plus de temps à sa passion qu’à ses études. Elle pratique alors assidûment la guitare (offerte par son père pour l’obtention de son bac), compose des chansons et passe des auditions chez des maisons de disques. Elle se présente tout d’abord chez Pathé-Marconi, et même si elle n’est pas engagée, cette première expérience lui permet d’entendre pour la première fois sa voix enregistrée. Parallèlement à cela, elle s’inscrit au Petit Conservatoire de Mireille, grâce auquel elle fait sa première apparition télévisée à l’ORTF, le 6 février 1962. Poursuivant son bal des auditions, Françoise Hardy atterrit finalement chez Vogue – qui vient d’ailleurs de signer un autre jeune chanteur, Jacques Dutronc, son futur compagnon. C’est Jacques Wolfsohn, l’un des directeurs artistiques de la boîte, qui permet à la jeune femme d’enregistrer son premier EP.

Selon les spécialistes du genre, le yéyé a débuté à la fin de l’année 1961, avec les débuts du twist. C’est par opposition à une chanson française à texte – celle de Saint-Germain-des-Prés et des Trois Baudets – que cette appellation marketing a été créée. Ce courant qui durera jusqu’à l’avènement de la pop, au milieu des années 1960, désigne plus spécifiquement des chansons françaises adaptées de tubes anglophones. En 1963, le sociologue Edgar Morin désigne les chanteurs de ces succès (ainsi que leurs nombreux fans) par le substantif « yéyé ». Parmi les artistes emblématiques de ce courant, citons Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, Richard Anthony ou bien Les Chats sauvages, lesquels sont programmés régulièrement sur Europe 1 dans l’émission Salut les copains, dont la version papier (diffusée dès 1962) est célèbre pour ses photos signées Jean-Marie Périer. Et c’est là que nous retrouvons Françoise Hardy, qui devient la compagne et égérie du photographe et, par la force des choses, l’un des pivots du mouvement yéyé.

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