Catalogués successivement comme les nouveaux princes des dancefloors français, les têtes de gondole de l’électroclash ou le chaînon manquant entre le rock et la dance music, Justice, le duo composé de Xavier de Rosnay et Gaspard Augé, s’est finalement révélé comme un groupe de disco/pop, une destinée validée par leur dernier album studio Woman, dont la version live Woman Worldwide sort ce 24 août. La preuve que les étiquettes musicales ne collent pas aussi bien que le sparadrap du capitaine Haddock.

L’histoire de Justice démarre par un quiproquo. Après la sortie de leur remix du Never Be Alone de Simian en 2003, qui a enflammé nombre de dancefloors de l’époque – et tout au long de ces quinze dernières années –, tout le monde a cru qu’ils étaient DJ’s et le duo a été immédiatement associé à la scène dance music/clubbing, leurré par leur signature sur Ed Banger Records, que venait tout juste de lancer Pedro Winter. Le désormais ex-manager des Daft Punk était venu, à l’invitation de So Me, le directeur artistique du label, déguster une raclette chez Gaspard Augé, qui lui fit écouter la démo du morceau qu’on appelle aujourd’hui We Are Your Friends. Il adore le titre et le signe le lendemain, pour ce qui sera sa deuxième sortie. Sauf qu’il s’agit aussi du deuxième morceau composé par Xavier et Gaspard dans leur carrière, sans doute un peu court pour asséner un coup de tampon “dance music” à côté de leur nom.

Mais le subterfuge fonctionne et Justice suit le mouvement. Invités pour leur premier DJ set à la soirée Eté d’amour (menée par David Blot et Fred Agostini à la suite des fameuses Respect du Queen), ils découvrent quasiment en jouant le fonctionnement des platines et d’une table de mixage. “Dans la musique électronique, quand tu sors un disque, les promoteurs supputent que tu es bon DJ. Ce qui n’était évidemment pas le cas…, raconte Xavier de Rosnay. Mais on nous a assez vite demandé de jouer dans des soirées. C’était l’enchaînement classique alors qu’on ne vient pas du tout de là avec Gaspard. On n’avait jamais eu de platines chez nous donc on a vraiment appris à le faire en le faisant. Et comme on gagnait bien mieux nos vies en faisant ça, on ne s’est même pas posé la question.”

En pleine période électroclash – où les sons crades et saturés étaient à la mode avec Felix Da Housecat, Vitalic, DJ HellMiss Kittin et The Hacker –, le duo se trouve vite une famille parmi les DJ’s, avec l’écurie grandissante d’Ed Banger d’abord (avec SebastiAn, Cassius ou Uffie), puis à l’étranger avec Erol Alkan dont les mélanges rock et techno aux limites du bon goût les séduisent : “On se reconnaissait assez là-dedans, se souvient Xavier. Le DJing techno qui raconte des histoires ne nous parle pas du tout même si on respecte complètement cette démarche. Les seules références qu’on aimait bien en termes de DJ, c’était Funkmaster Flex ou Grandmaster Flash qui est la version antérieure : un morceau toutes les minute trente et c’est pas grave si tu les entends arriver. Un truc pas très bien calé mais intéressant.” Parmi les DJ’s, les autres mentors de Justice sont les frères flamands Dewaele, alias Soulwax/2ManyDJ’s, qui ont fasciné toute une génération avec leur art du mash up développé sur la “mixtape” As Heard on Radio Soulwax Pt. 2 : “On trouvait qu’il y avait quelque chose de trop carré dans la scène électronique à l’époque, explique Gaspard. Il fallait avoir un set bien calé, bien carré. Une autoroute. Comme nous, on écoutait très peu de musique électronique, l’école 2ManyDJ’s nous plaisait bien car il n’y avait aucun impératif de style. Tu pouvais jouer ce que tu voulais. Leur disque de mash-up a décomplexé tout le monde. On est arrivé quand ils étaient déjà installés et c’est vrai qu’ils ont un peu agi comme dans grands frères. On s’est rendu compte que les gens pouvaient s’amuser autant, voire plus, si tu jouais des choses très éloignées.”

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