La diva aux pieds nus

Chronique

Cesária Évora a enregistré des albums plus aboutis. Ailleurs, les orchestrations ont souvent rendu meilleure justice à sa voix. Les menus d’autres disques se sont avérés plus conséquents. Mais voilà : si ce n’est pas tout à fait vrai (ô combien !) pour une carrière entamée depuis des lustres, La Diva Aux Pieds Nus est le disque par lequel tout a commencé, du point de vue d’une invraisemblable agitation internationale, au bénéfice de cette grosse quinquagénaire, alcoolique (à l’époque), à la voix de rogomme, pouvant dans les moments d’intense émotion, se transformer en chant de petite fille.

 

La légende est donc en marche, qui prétend qu’en soutien aux femmes pauvres du monde entier, Évora se produisait sur scène pieds nus. Le mythe est donc en construction, qui affirme que seule sa voix a sauvé Cesária de la misère (si peu), voire de la déchéance et de la prostitution. Le problème, c’est que tout est vrai et que cela fait oublier (on aime tous les contes de fées) quelques scories du disque : « Bia Lulucha », qui ouvre l’album, est un morceau traditionnel auquel on a fait subir un traitement discoïde (grosse basse et percussions en avant toute, placées sous la responsabilité d’un Manu Lima manifestement assoupi au-dessus de son programmateur) qu’on peut, avec le recul, juger comme passablement inadéquat. Mais le titre recueille un énorme succès auprès de la communauté capverdienne résidant en France. En revanche, d’autres mornas (le blues de l’archipel), rassemblant le fleuron des musiciens du pays (avec, en tête de liste, le spécialiste du cavaquinho Zé Antonio, ainsi que le fantasque – et fantastique – pianiste Paulino Vieira), permettent à la chanteuse de mettre particulièrement en valeur sa voix de gorge, profonde comme le désespoir de l’humanité.

 

A noter la reprise d’une samba du couple magique du genre (Antonio Carlos Jobim et Vinicius de Moraes) dont la Diva se sort à la perfection. Emouvant comme un premier rendez-vous, La Diva Aux Pieds Nus a le parfum de plaisirs en promesse.

 



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