Buenos Aires 72

Chronique

1972 est pour l’Argentine, alors sous l’emprise d’une dictature militaire, une année d’espoir, due au retour aux affaires politiques du pays de Juan Péron. C’est aussi l’année de naissance de la danseuse, chanteuse et auteure-compositrice Marina Cedro. Mais les alliés de Péron, qui est décédé quatre ans plus tard, furent à nouveau chassés par la junte et les espoirs d’une jeune affamée de liberté se sont tus. Marina Cedro, installée depuis en Europe, a monté une création qui mêle musiques et danse en partant de cette année décisive pour elle et son pays.

A l’exception des deux derniers morceaux dus à Brian Reaver et Jean-Philippe Verdin, dit Readymade, l’album a été réalisé et coécrit par Philippe Cohen-Solal, tiers de feu Gotan Project qui renoue ainsi avec les musiques qui l’ont établi comme producteur de première classe. Le morceau titre avec sa voix-off nimbée d’écho, sa basse sensuelle, son ambiance nostalgique qui ouvre la voie au chant flamboyant et légèrement triste de Marina Cedro et son final où jaillit la plainte d’un bandonéon n’est pas sans réveiller des souvenirs de la grande époque du trio du tango 2.0, mais l’aventure ne stationne pas dans cette seule esthétique. Dès le second morceau, La Noche de Los Lápices la voix du slameur américain Mike Ladd ouvre l’horizon, l’autre voix invitée est celle du Toulousain Art Mengo, auteur du joli tube Les Parfums de sa vie (je l’ai tant aimée) en 90 qui rejoint Marina Cedro sur le refrain de Etrange Etranger. Deux adaptations précisent le champ d’influence du projet : celle de Screaming Jay Hawkins, I Put a Spell on You, rebaptisé Puse un Hechizo en Vos et Rara qui n’est autre qu’une version tangoïfiée du Creep qui a ouvert la carrière phénoménale de Radiohead. Les compositions originales font bonne figure à côté de ces classiques et rendent cet album de pop contemporaine métisse des plus attachant. © Benjamin MiNiMuM/ Qobuz