Les images de Bill Viola, la mise en scène de Peter Sellars, la baguette de Semyon Bychkov et l’organe de Waltraud Meier : Tristan et Isolde s’installe à l’Opéra Bastille dès le 30 octobre.

Devant les flamboyantes images du vidéaste Bill Viola, les voix de Waltraud Meier, Clifton Forbis et Franz-Josef Selig ressuscitent ce mythe éternel d'amour et de mort : le tout dans une mise en scène majeure signée Peter Sellars sous la direction de Semyon Bychkov : un Tristan et Isolde unique s’installe à Bastille du 30 octobre au 3 décembre.

UN CHANT D’AMOUR ET DE MORT

Immense poème lyrique, l’opéra en trois actes Tristan et Isolde est un chant d’amour et de mort inspiré par la passion que Wagner nourrissait à l’égard de Mathilde Wesendonk, la femme de son riche protecteur zurichois, Otto. Au moment où il l’entreprit, Wagner était en pleine composition de la Tétralogie et songeait déjà à Parsifal, mais des nécessités pratiques (le besoin d’écrire une œuvre aux dimensions moins vastes, qui puisse plus facilement être représentée) et intérieures (le besoin de « sublimer » cet amour par l’art) l’incitèrent à abandonner tout autre travail pour se consacrer exclusivement à cet opéra. Le livret, écrit comme toujours par le compositeur lui-même, reprend le mythe celte en l’épurant au maximum et en donnant une signification personnelle au philtre d’amour qui devient, ici, le révélateur d’une passion déjà existante.

Sur le plan musical, Tristan et Isolde marque un tournant dans l’œuvre de Wagner et dans l’Histoire de la musique tout entière. Pour la première fois, en effet, la tonalité n’y règne plus en maître et le compositeur fait se superposer plusieurs rythmes, créant ainsi un mouvement très particulier de tension languissante et toujours retardée. Le prélude, le duo du deuxième acte et la mort d’Isolde sont parmi les points culminants de la partition.

Après que Wagner en a dirigé des extraits les 25 janvier, 1er et 8 février 1860 au Théâtre Italien de Paris, Tristan et Isolde est créé dans son intégralité le 10 juin 1865 au Hoftheater de Munich, sous la direction de Hans von Bülow. Tristan et Isolde a été représenté pour la première fois au Palais Garnier le 11 décembre 1904. Parmi les interprètes célèbres de l’œuvre, on peut citer : Germaine Lubin, Kirsten Flagstad, Astrid Varnay, Birgit Nilsson (Isolde) et Lauritz Melchior, Max Lorenz, Wolfgang Windgassen, Jess Thomas (Tristan), sous la direction de chefs tels que Messager, Furtwängler, Karajan, Knappertsbusch, etc.

En 1985, une production mise en scène par Michael Hampe réunissait, en alternance, René Kollo et William Johns (Tristan), Ute Vinzing et Gwyneth Jones (Isolde), Nadine Denize et Waltraud Meier (Brangäne), Kurt Moll et Siegfried Vogel (le roi Marke) sous la direction musicale de Marek Janowski.

En 1997, l’œuvre était présentée à l’Opéra Bastille dans une mise en scène de Stein Winge, des décors et des costumes de Lennart Mörk, sous la direction musicale de James Conlon. La distribution réunissait Wolfgang Schmidt (Tristan), Carol Yahr, Anne Evans et Gabriele Schnaut (Isolde), René Pape (le Roi Marke), Jane Henschel (Brangäne).

En 2005 enfin, une nouvelle production mise en scène par Peter Sellars fait son entrée à l’Opéra Bastille avec Ben Heppner, Waltraud Meier, Franz Josef Selig, Yvonne Naef, sous la direction musicale Esa-Pekka Salonen. C’est cette production qui est reprise cette saison à Paris du 30 octobre au 3 décembre.

LA FOUGUE BYCHKOV

Né à Saint-Pétersbourg, Semyon Bychkov a été l'élève d'Ilya Musin. En 1973, il remporte le Concours Rachmaninov et, en 1975, il émigre aux Etats-Unis, où il fait ses débuts de chef d'orchestre. A partir de 1984, une série de remplacements au pied levé le signale à l'attention du public et de la critique et sa carrière prend un essor international. Il se produit à la tête du Concertgebouw d'Amsterdam, des Orchestres Philharmoniques de New York et de Berlin et signe un contrat d'exclusivité avec Philips Classics. Il est successivement directeur musical de l'Orchestre de Paris (1989-1998), principal chef invité du Philharmonique de Saint-Pétersbourg (1990-1994), principal chef invité du Mai musical florentin (1992-1998), chef principal du Semperoper de Dresde (1998-2003).

Aujourd'hui installé en Europe, il est depuis 1997 à la tête de l'Orchestre Symphonique WDR de Cologne qu'il a conduit dans de fréquentes tournées et avec lequel il a réalisé de nombreux enregistrements.

Dans le domaine lyrique, Semyon Bychkov a dirigé Lady Macbeth de Mzensk, Le Chevalier à la rose, L'Or du Rhin et La Walkyrie au Semperoper de Dresde, La Bohème, Idoménée, Fierrabras, Eugène Onéguine, Jenufa, Lady Macbeth de Mzensk, Boris Godounov, Parsifal et Un bal masqué au Mai musical florentin, Tosca et Elektra à la Scala de Milan, Elektra, Tristan et Isolde, Daphné et Lohengrin au Staatsoper de Vienne, Elektra, Boris Godounov et La Dame de pique au Covent Garden de Londres.

En 2004, Bychkov fait ses débuts au Met Opera de New York avec Boris Godounov et au Festival de Salzbourg avec Le Chevalier à rose. Parmi ses nombreux enregistrements, citons la Cinquième symphonie de Chostakovitch avec le Philharmonique de Berlin, Eugène Onéguine avec l'Orchestre de Paris, les quatre symphonies de Brahms, Daphné et Elektra avec l'Orchestre Symphonique WDR de Cologne.

L’ART A PART DE SELLARS

Diplômé de l’Université de Harvard, Peter Sellars s’est particulièrement fait connaître par ses relectures d’ouvrages du répertoire, s’engageant dans les événements politiques et sociaux de notre époque et s’investissant dans la création en s’associant avec d’autres artistes. Il poursuit depuis près de 20 ans une étroite collaboration avec la MC93 Bobigny, où il a notamment présenté Nixon in China de John Adams, Peony Pavilion de Tan Dun, Le Marchand de Venise de Shakespeare, Children Of Herakles d’après Euripide. Le Grand Macabre de György Ligeti, L’Amour de loin de Kaija Saariaho, El Niño de John Adams ont été joués au Théâtre du Châtelet.

Directeur artistique du Festival de Los Angeles de 1990 à 1993, Sellars a été fréquemment invité par le Festival de Salzbourg, où il a notamment mis en scène Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen (coproduction avec l’Opéra national de Paris). Il a mis en scène la création mondiale de Doctor Atomic de John Adams (dont il a également écrit le livret) à l’Opéra de San Francisco (2005), le premier opéra d’Osvaldo Golijov Ainadamar à Santa Fe (2005), Zaide aux Wiener Festwochen (2006) et au Festival d’Aix-en-Provence (2008), La Passion de Simone de Kaija Saariaho (oratorio basé sur la vie de Simone Weil) au Barbican Center de Londres (2007).

Nommé à 26 ans directeur de l’American National Theater au Kennedy Center de Washington, Peter Sellars a été lauréat du MacArthur Fellowship et du Erasmus Prize. Il enseigne actuellement l’art et les cultures du monde à l’Université de Californie à Los Angeles et il donne des conférences à l’Ecole de Journalisme de l’Université de Berkeley. La réalisatrice Marina Goldovskaya lui a consacré un documentaire en 2004. Les éditions du CNRS ont publié, dans la collection « Voies de la Création Théâtrale », un ouvrage illustrant la diversité de son œuvre, réalisé par Frédéric Maurin.

LE CAS VIOLA

Aujourd’hui reconnu comme l’un des plus importants artistes vidéo sur la scène internationale, l’américain Bill Viola a été un pionnier en la matière. Depuis 35 ans, il réalise des bandes et des installations vidéo, des ambiances sonores, des pièces de musique électronique et des œuvres destinées à la télévision. Ses écrits ont été largement publiés. Ses installations vidéo – œuvres totales qui immergent le spectateur dans l’image et le son – emploient les technologies dernier cri et se distinguent par leur précision et leur simplicité. Les œuvres de Viola explorent le côté spirituel et perceptif de l’expérience humaine, se concentrant sur les thèmes universels de l’humanité – la naissance, la mort, l’évolution de la conscience – et trouvent leurs racines aussi bien dans l’art occidental et oriental que dans les traditions spirituelles du zen bouddhique, du soufisme de l’Islam et de la mystique chrétienne.

Diplômé de l’Université de Syracuse, Californie, en 1973, Bill Viola a étudié et travaillé avec le compositeur David Tudor, et, sous sa direction, il a participé au groupe Rainforest, atelier d’expérimentation pour la musique et la sculpture sonique. Cette expérience de la composition musicale et du spectacle a profondément influencé son travail visuel.

Viola a reçu de nombreuses distinctions, dont, en 1989, une subvention de la Fondation MacArthur et un doctorat honorifique de l’Université de Syracuse et du Royal College of Art de Londres. Son œuvre est présentée dans les collections permanentes des principaux musées mondiaux et dans des collections privées internationales. Parmi les principales expositions qui lui ont été consacrées, citons : Bill Viola : Installations and Videotapes au Musée des Arts Modernes de New York (MOMA), Unseen Images présentée à la Kunsthalle de Düsseldorf en 1992, puis dans six musées européens, Buried Secrets au Pavillon des Etats-Unis à la 46e Biennale de Venise en 1995, Bill Viola : A 25-Year Survey organisée en 1997 par le Whitney Museum et qui a tourné pendant deux ans dans les musées américains et européens.

En 2002, Bill Viola achève son projet le plus ambitieux, Going Forth By Day, une fresque digitale vidéo en haute définition en cinq parties commandée par le Musée Guggenheim de New York et le Deutsche Guggenheim de Berlin. En 2003, le J. Paul Getty Museum de Los Angeles a organisé l’exposition Bill Viola : The Passions, présentée également à la National Gallery de Londres l’année suivante. En 2006, l’exposition Bill Viola : Hatsu-Yume (First Dream) est présentée au Mori Art Museum de Tokyo. En 2007, il réalise une installation pour la Biennale de Venise, Ocean Without a Shore, dans l’église San Gallo. En 1994, le film vidéo Deserts, destiné à accompagner l’œuvre éponyme d’Edgar Varèse, a été commandé par l’Ensemble Modern et la chaîne de télévision allemande ZDF ; après sa première à Vienne, ce film a été projeté au Hollywood Bowl en août 1999, l’œuvre étant interprétée par l’Orchestre Philharmonique de Los Angeles dirigé par Esa-Pekka Salonen. En 2000, Bill Viola a créé une suite de trois nouvelles vidéos à l’occasion de la tournée mondiale intitulée Fragility du groupe de rock Nine Inch Nails.

Le site officiel de l’Opéra de Paris

Le site officiel de Bill Viola

Le site officiel de Waltraud Meier

Le site officiel de Semyon Bychkov