Gaspar Claus, enfin seul

Depuis le passage sur terre de l’extra-terrestre Arthur Russell (1951 – 1992), on sait que le violoncelle peut être « autre ». Voilà une quinzaine d'années que Gaspar Claus œuvre lui aussi à lester de ses clichés cet instrument aux allures d’intouchable. À l’embarquer sur des territoires vierges. Voire à le faire sonner différemment. Il brandit son archet pour abattre les cloisons et effacer les frontières stylistiques qu’elles soient classique ou électro, folk ou pop…

Aux côtés de son père le guitariste flamenco Pedro Soler (Barlande), au sein du trio de cordes Vacarme, avec la chanteuse Marion Cousin, en compagnie du bidouilleur électro Rone ou de tant d’autres (Sufjan Stevens, Casper Clausen, Barbara Carlotti, Joakim, l’ex-Noir Désir Serge Teyssot-Gay, Bryce Dessner de The National, Angélique Ionatos, Jim O’Rourke, Peter Von Poehl, Keiji Haino, etc.), Gaspar Claus a joué sur mille planètes mais sans jamais prendre le temps de converser avec lui-même. À 38 ans, il sort enfin le premier album estampillé de son seul nom : Tancade.

Un disque magnifique qui avance à pas feutrés avant de sprinter puis de ralentir pour bifurquer. Tout semble être parti de sobres haïkus de musique, des petits motifs travaillés, retravaillés, et qu’il a étirés vers cet éternel ailleurs tant stylistiques qu’émotionnels. Les couches de son violoncelle s’empilent avec goût et légèreté. Les quelques gouttelettes d’électronique ou de machines sont quasi-invisibles. La mélodie est souvent élégiaque. Le ton est à la bienveillance. Le son joue sur les contrastes.

Bref, on retrouve cette voix atypique, poétique et colorée, le Gaspar mélancolique (Une île) qui soudainement s’éclipse pour laisser place au Gaspar ludique (2359), lui-même précédé du Gaspar introspectif (1999). Tant de paysages, tant de couleurs, tant d’épaisseur, tout seul, avec aussi peu d’outils est le vrai tour de magie de Tancade, plus attachant à chaque nouvelle écoute.

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