Sous la pression du Sénat, le texte contre le téléchargement illégal a été durci à la veille de son adoption définitive le 9 avril alors que la société civile s'est emparée d'un débat de fond sur le libre accès à la culture et les droits d'auteurs sur internet…

Selon l’AFP, la « double peine » – comme l’appelle les adversaires de cette mesure – a été rétablie mardi 7 avril au soir, en Commission Mixte Paritaire (CMP, sept députés et sept sénateurs chargés d'élaborer un texte de compromis), à l'encontre des internautes qui seront sanctionnés pour téléchargement illégal, après deux avertissements. Ces internautes devront continuer de payer leur abonnement, même quand leur connexion sera suspendue de deux mois à un an.

La CMP est donc revenue sur un vote des députés, qui avaient décidé, à l'unanimité, d'exonérer le paiement de l'abonnement pendant la durée de la suspension, contre l'avis du gouvernement. Pour cela, elle a adopté un amendement du sénateur UMP Michel Thiollière, estimant que le vote de l'Assemblée réduisait « significativement la portée dissuasive de la sanction » et faisait « porter aux fournisseurs d'accès internet le préjudice d'une sanction prononcée contre l'un de ses abonnés ».

L'amendement du sénateur UMP a reçu l'appui des sénateurs PS Yannick Bodin et Serge Lagauche, a-t-on indiqué au groupe PS au Sénat. A l'inverse, les députés PS ont voté contre. Contrairement à leurs collègues sénateurs, ils ne veulent entendre parler ni de suspension de l'accès internet, ni d'amende. Des députés de la majorité ont eux aussi manifesté leur opposition.

« Je déplore vivement ce retour en arrière », a réagi Jean Dionis du Séjour (NC), selon qui la CMP a rétabli la « double peine ». « Toutes ces décisions sont de très mauvais choix pour les libertés individuelles », a estimé Alain Suguenot (UMP).

Lors du débat à l'Assemblée, Dionis du Séjour et Lionel Tardy (UMP) avaient demandé en vain le remplacement de la suspension par l'amende. Les députés PS ont proposé de financer la création sur internet par une « contribution créative » prélevée sur le montant de l'abonnement des internautes. Ils devraient de nouveau voter contre le texte jeudi, contrairement aux sénateurs PS qui envisagent l'abstention, a-t-on appris auprès du groupe PS au Sénat.

Les députés PS estiment en outre que le projet de loi n'apportera aucun revenu supplémentaire aux artistes, qu'il défend les seuls intérêts des majors du disque et qu'il est contraire au droit européen. Faux, répond la Ministre de la Culture Christine Albanel, qui a encore estimé mercredi à l'Assemblée que la plupart des maisons de disque étaient des petits labels indépendants de moins de vingt salariés.

Pendant le débat à l'Assemblée, partisans et adversaires de la future Haute autorité de protection des droits sur internet (Hadopi) ont pris soin de rappeler qu'ils défendaient les intérêts des artistes. Christine Albanel a invoqué le soutien d'artistes de renom : Agnès Jaoui, Bertrand Tavernier, Cédric Klapisch...

En réponse, les détracteurs du texte ont cité une tribune libre mardi dans Libération où treize personnalités du cinéma dont Catherine Deneuve, Victoria Abril et Chiara Mastroianni, ont demandé l'abandon du projet qui impose « un mécanisme de sanctions à la constitutionnalité douteuse et au fonctionnement fumeux ».