Les députés européens ont estimé que les droits fondamentaux des internautes ne pouvaient être restreints « sans décision préalable des autorités judiciaires ». Les anti-Hadopi se frottent les mains…

En s'opposant à toute coupure d'internet sans décision de justice préalable, le Parlement européen a compliqué la tâche du gouvernement français qui tente de resserrer les rangs de sa majorité UMP sur le projet de loi « protection des droits sur internet ». Selon l’AFP, dopée par le vote du Parlement européen, la gauche a repris l’offensive, mercredi 6 mai au soir, à la reprise des débats, contre la coupure de l'internet pour téléchargement illégal.

Par 407 voix contre 57 et 10 abstentions, les députés européens ont estimé que les droits fondamentaux des internautes ne pouvaient être restreints « sans décision préalable des autorités judiciaires ». Or le texte de Christine Albanel prévoit de sanctionner le téléchargement illégal par une coupure de l'accès à l'internet prononcée par une nouvelle Haute autorité pour la protection des droits sur internet (Hadopi).

« C'est un sacré coup dur pour le gouvernement ! L'Hadopi, qui est une autorité administrative, n'a plus lieu d'être », jubile Lionel Tardy, un des députés UMP parti en guerre contre ce projet. La décision du Parlement européen est « un obstacle majeur contre le texte Hadopi », selon Jean Dionis du Séjour (Nouveau centre), qui défend, avec Tardy, le principe d'une amende à la place de la suspension. En vain : « l'amendement amende » a été repoussé mardi 9 mai au soir. « Nous discutons d'un texte qui divise jusqu'aux rangs de la majorité et qui, sans doute, ne s'appliquera pas et dont l'espérance de vie juridique est comptée », analyse Patrick Bloche (PS).

Le texte divise aussi le PS, puisque les sénateurs socialistes ont voté pour en première lecture, alors que les députés PS sont contre. Albanel affirme que l'amendement adopté au Parlement européen « ne remet en aucune façon en cause » son texte, car il défend des « droits et libertés fondamentaux ».

Or, dit-elle, l'accès à internet à son domicile ne s'est vu reconnaître le statut de « liberté fondamentale (...) dans aucun pays du monde ».

« Une autorité administrative indépendante comme l'Hadopi peut être identifiée comme une autorité judiciaire », ajoute le rapporteur UMP Franck Riester. Celui-ci regrette aussi « que le Parlement européen soit pris en otage par une manœuvre politique franco-française du PS ».

La mouture du texte Hadopi issue de la commission mixte paritaire Assemblée-Sénat avait été rejetée le 9 avril lors d'un vote à main levée à l'Assemblée, obligeant le gouvernement à relancer son examen par les deux chambres.

La version définitive a confirmé le durcissement du texte, selon l'expression de ses adversaires, avec le rétablissement de la « double peine » (paiement de l'abonnement pendant la suspension de l'accès internet).

Revenant sur leur vote, unanime, de première lecture, supprimant la « double peine », les députés l'ont entérinée mercredi soir à une très large majorité (95 voix contre 26).

En séance, le gouvernement et sa majorité interviennent très peu, laissant le PS et quelques membres de l'opposition défendre en vain leurs amendements. Adversaire d'Hadopi, l'UMP Christian Vanneste a rendu hommage aux orateurs de l'opposition : « il y a la ministre et le rapporteur qui limitent l'étendue de leur vocabulaire à un mot: « défavorable ». Il y a les seuls députés de la majorité qui interviennent, contre le texte, comme Lionel Tardy ou Jean Dionis du Séjour. Il y a enfin la majorité de la majorité, assurant une permanence silencieuse, votant automatiquement pour Hadopi, non sans maugréer contre une « loi inutile », « intempestive », et « très mal défendue » ».