Six ans après sa disparition le 5 décembre 2017, à 74 ans, retour sur l’itinéraire de l’idole des jeunes devenue une icône nationale, cinquante ans de carrière ponctuées de quelque 110 millions d’albums vendus,

Alors qu’il n’était pas encore Johnny Hallyday, le petit Jean-Philippe Smet fut présenté au milieu des années 50 à Maurice Chevalier, dans la résidence de ce dernier à Marnes-la-Coquette. Celui qu’on surnommait (aussi) « le patron » lui donna alors ce simple conseil : « Petit, tu soignes ton entrée, tu soignes ta sortie. Entre les deux : tu chantes ! » Johnny Hallyday appliquera cette formule tout le long de sa carrière artistique, mais aussi de sa vie d’homme.

Il soigne tout d’abord son entrée dans la vie, à la manière d’un cow-boy charismatique hollywoodien qui fait taire les clients lorsqu’il pénètre dans un saloon. Jean-Philippe Smet naît le 15 juin 1943 à Paris. Son père est un homme de théâtre belge, Léon Smet, et sa mère un mannequin français prénommée Huguette. Cette dernière confie la garde de Jean-Philippe à la sœur de Léon, Hélène Mar, qui, très vite, décide de faire de l’enfant un artiste. Son environnement est tout d’abord exclusivement féminin (Hélène, ainsi que ses deux filles danseuses, Desta et Menen), avant que ne vienne se greffer une présence masculine, celle de Lee Ketcham, le mari de Desta. Lee ne représente pas n’importe quel modèle pour le petit Jean-Philippe car c’est non seulement un danseur professionnel, mais aussi et surtout un Américain pure souche, en provenance de l’Oklahoma. Grâce à son oncle Lee puis aux films hollywoodiens, le futur Johnny Hallyday baigne donc très tôt dans une imagerie américaine, celle des cow-boys solitaires et virils et des adolescents rebelles en blouson de cuir. Cette Amérique fantasmée l’entraînera également vers un goût pour la démesure artistique et un certain sens de la mise en scène.

Cependant, ce n’est pas à Los Angeles ou à Dallas qu’il fera ses premiers pas sur scène comme chanteur, mais en Scandinavie. En 1956, il profite en effet d’une résidence des « Hallidays » (nom du duo que forment Lee et Desta) à l’Atlantic Palace de Copenhague pour monter sur scène de ce luxueux complexe. Il y interprète le petit répertoire de classiques qu’il s’est constitué durant les mois précédents. C’est après ce concert qu’il trouve son pseudonyme : Johnny Halliday (qui deviendra Hallyday en 1960). En 1957, la petite troupe s’installe à Paris, dans le 9e arrondissement. Dans ce quartier, Johnny découvre les films d’Elvis Presley, et en particulier Loving You. Avant le King, Johnny vénérait James Dean et Marlon Brando, mais c’est ce nouveau héros qui façonnera réellement le chanteur franco-belge et qui lui donnera la passion du rock.

À la sortie d’une adolescence tumultueuse au sein des blousons noirs de « la bande de la Trinité », Johnny fait ses humanités rock au Golf Drouot. À l’époque, c’est un club réservé aux 16-21 ans, dont l’attraction majeure est un juke-box qui diffuse du Presley, du Chuck Berry ou du Bill Haley. Johnny s’y sent comme à la maison et c’est d’ailleurs au Golf Drouot qu’il commence à fréquenter deux autres « vieilles canailles », Eddy Mitchell et Jacques Dutronc. En 1959, il fait une apparition vocale remarquée dans l’émission de radio Paris Cocktail, ce qui le conduit à signer un contrat l’année suivante avec Jacques Wolfsohn, le directeur artistique de chez Vogue. Son premier EP, Souvenirs, souvenirs, se vend bien. S’ensuit une série de concerts, en particulier à l’Alhambra, dont le spectacle se situe autant dans la salle que sur scène puisqu’on assiste au bras de fer bruyant entre une jeunesse acquise à sa nouvelle idole et un public plus âgé et conservateur, venu pour applaudir Raymond Devos, tête d’affiche du spectacle. En smoking bleu nuit, Johnny joue l’année suivante 20 soirs d’affilée à l’Olympia. L’ambiance est plus modérée qu’à l’Alhambra et l’on sent que l’objectif du chanteur et de sa maison de disques est de fédérer un plus large public que celui des jeunes adultes asphyxiés par la France du général de Gaulle. C’est aussi dans cette salle qu’il impose une nouvelle danse alors inconnue de ce côté-ci de l’Atlantique, avec sa chanson Viens danser le twist. Dans la première moitié des années 60, il faut également retenir Retiens la nuit, signé Charles Aznavour et Georges Garvarentz, et que le « Presley français » susurre à l’oreille de Catherine Deneuve dans le film Les Parisiennes, en 1962. Dans le western camarguais D’où viens-tu Johnny ? en 1963, deux autres tubes émergent : Pour moi la vie va commencer et La Guitare. C’est sur le tournage de ce dernier que commence l’idylle entre Johnny et Sylvie Vartan. Ils se marieront en 1965. Suit une série faramineuse de tubes : L’Idole des jeunes, Elle est terrible, Salut les copains (hommage au magazine qui l’a toujours soutenu), ainsi qu’un album en anglais enregistré à Nashville, Sings America's Rockin' Hits, qui obtient un succès d’estime.


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